Lohtëa - Les chroniques du paria
Chronologiquement parlant, Lohtëa se passe 2 ans avant l'histoire principale: Källah.
Elle met en scène la "jeunesse" de certains personnages, dont les personnages principaux Tako et
Hana , les deux jumeaux Asakh.
Enfance remplie de solitude, où nos héros doivent s'entraider s'ils ne veulent pas sombrer dans l'obscurité .... "Loi, pouvoir, malédiction, démon, néant, coexistence, travail d'équipe et amour" sont les mots clés de cette histoire
Prologue
Aujourd'hui comme à mon habitude, me voilà assise contre cet arbre, le seul qui se trouvait au sommet de la colline. J'aimais beaucoup m'y réfugier, pour me poser bien à l'écart du monde extérieur et me détendre après de longues heures de cours barbants à souhait... Mais surtout, oui surtout, car il n'y avait qu'à cet endroit précis que l'on pouvait trouver une aussi belle vue de ma ville favorite ! Le grand lac Melvin en aval, reflétant les hauts bâtiments typiques de la capitale de Valaah: Kodinji. Et bien que ce soit la plus grande ville du pays, on trouvait à ses alentours des paysages aussi vastes et verdoyants qu'en pleine campagne ! J'habitais un de ces petits villages de l'autre côté de la métropole, un lieu bien plus calme où tout le monde se connaissait très bien. Et bien que j'aimais beaucoup mon petit village, je ne pouvais échapper au plaisir de traverser cette gigantesque ville grouillant de monde, tous aussi différents, et moi admirant cette dynamique population, rêvant un jour d'en faire partie !
Cette fois-ci je m'étais assoupie devant la vue reposante de ce lac, mais un bas rayon de soleil vint éclairer mon visage. Je réalisais tardivement que le soleil était effectivement en train de se coucher ... Était-il si tard que ça ?? Je ne devrais pas tarder à rentrer pour ne pas inquiéter davantage mes parents...
Diverses questions me traversèrent l'esprit: "Comment vais-je leur expliquer mon retour aussi tardif?" "A quelle sanction vais-je avoir droit?" "Et si une fois de plus j'allais y échapper et qu'il allait subir à ma place...?" Non ! Je ne devais pas penser à ça ! Raah mais dans quel pétrin je m'étais mise encore une fois ?! Bien que ces derniers temps, je n'arrivais pas à terminer mes nuits à cause de mon frère aîné Tako. J'avais remarqué qu'il avait le sommeil bien agité ces deux derniers mois, ce qui avait pour effet de provoquer des ronflements assez dérangeants...
Je détournais un léger instant mon regard, observant le soleil couchant, qui donnait au paysage une magnifique couleur d'or rougeâtre.
- "Tiens, c'est étrange... c'est bien la première fois que je le vois d'une telle couleur, c'est à la fois beau et effrayant... RAAH !!! Mais qu'est ce qui me prend ?? Comme si j'avais le temps d'admirer le soleil !! Idiote !!! "
Je me mis alors à courir de plus en plus vite, tout en traversant la capitale. Cette fois-ci je n'avais pas vraiment le temps d'observer cette ville que j'aimais tant, et je m'empressais de prendre le chemin le plus court pour arriver le plus vite possible ! Après plusieurs dizaines de minutes, j'étais enfin arrivée, et c'est alors que mes pieds se mirent à taper sur des flaques ralentissant ma course. Pourtant, il n'avait pas plu depuis plusieurs jours. Mais sur le moment je ne cherchais pas à comprendre davantage, je devais rentrer à la maison le plus vite possible! Avant que mon frère n’ait encore des problèmes par ma faute... Si seulement je pouvais porter son fardeau au moins une fois de temps en temps, pour le laisser souffler un peu... Et si seulement il ne cherchait pas autant les ennuis ! Malgré les interdictions de notre père, il se débrouillait toujours pour me rejoindre dans la chambre en douce pour dormir à mes côtés, car il savait que je n'arrivais pas à dormir seule, sans lui, sans cette personne qui comptait autant pour moi ! Cette personne qu'on enfermait dans un lieu isolé du monde extérieur, à cause de ce fardeau... Si seulement j'avais été plus forte, j'aurais pu le protéger, voire m'enfuir avec lui, mais que pouvaient faire des enfants de 10 ans comme nous dans un monde aussi périlleux, seuls, sans argent ni nourriture ? A vrai dire pas grand-chose, à part peut-être mourir à petit feu. Alors il subissait pour nous deux... J'avais beau faire toutes les bêtises du monde, ce serait toujours lui le fautif, car c'était lui le paria... Et notre père n'y allait pas dans la douceur pour le punir, souvent je pouvais entendre des cris de souffrances mêlé aux coups qu'il subissait, et cela malgré le bruit de mes pleurs ...
La tête ailleurs, je remarquais cependant le calme inhabituel qui régnait ici, et tout en continuant à marcher, je jetais quelques coups d'œil sur les bâtiments, tout en ralentissant le pas toute essoufflée ; mais de suite mes pensées revenait vers Tako. Ce moment où il me disait ironiquement que j'étais une véritable athlète et qu'il devrait prendre exemple sur moi... Quelle honte ! Il avait raison, moi et le sport ça faisait deux. Je commençais à peine à courir que mon souffle s'emballait. Et j'avais beau le nier je le savais bien, je n'étais pas assez endurante pour pouvoir espérer un jour faire partie des Gatai, voire même des Grymm ! C'était pourtant mon rêve le plus précieux, et la seule manière que j'avais trouvé aujourd'hui pour parvenir à mes fins...
Essayant de penser à autre chose, la tête baissée, et, en regardant plus attentivement, je remarquais que mes vêtements étaient tachés d'un liquide rouge visqueux. Prise de dégoût je m'arrêtais net tout en secouant mon haut.
- " Baah quelle horreur ! Mais qu'est-ce que c'est ?? Mais je m'en suis mise vraiment partout en plus !! Mon pantalon aussi est tout trempé... et puis quelle odeur ! J'ai jamais vu ça...."
Je relevais la tête et remarquais de grosses taches rouges sur les murs. Ces taches semblaient avoir été projetées, comme si une main géante serait venue le peindre en rouge ... un rouge assez visqueux qui coulait encore tout le long...
- " Qui a bien pu faire ça ? Et ce liquide, d'où sort-il ? Et quelle puanteur ! "
Voulant continuer mon chemin, je sentis d'un coup quelque chose percuter mon pied. Quelque chose...de mou, et qui dégageait après son contact une odeur très désagréable. D'une manière hésitante je baissais la tête, et un cri sorti instinctivement de ma bouche: on aurait pu croire qu’il s’agissait de morceaux de chairs ! Ce qui se confirma lorsque j'aperçus non loin de là, la tête d'un cadavre palpitant encore.
Mon cri ne fît que s'amplifier! Mon regard se vit détourné de cette affreuse vision, et lorsque je regardais derrière moi ... la vue n'était que plus immonde. Les pupilles dilatées j'observais ce décor d'Apocalypse, un long instant, observant chaque détail, contre mon gré ; je ne le voulais pas, mais c'était plus fort que moi.
La tête ailleurs, je n'avais tout simplement pas pris la peine de regarder le sol, ni où j'allais, car je connaissais le chemin par cœur. Mais le trajet que je venais d'emprunter était en fait envahi par un tas de cadavres ! Devant moi, certains étaient allongés au sol, se vidant de leur sang ; d'autres, ayant perdus plus de la moitié de leurs membres, agonisaient encore. A ma droite, un couple était allongé aux fenêtres d'un appartement, les morceaux de verre ne laissant pas leurs corps indemnes. A ma gauche, un corps avait le dos transpercé le long des poteaux électriques, laissant le long de ceux-ci de longs fils visqueux.
Et plus je détournais le regard ailleurs, plus la vision se faisait atroce.
- "C'est...impossible... comment cela a-t-il pu arriver ? Que s'est-il passé pendant mon absence ! Pourquoi ?? Pourquoi??"
Un cri de l'extérieur me fit revenir à la réalité ; mon regard se stoppa net et se dirigea très lentement vers le cri en question. Ce cri ... c'était des pleurs, les pleurs d'un jeune enfant, un bébé sûrement ... Après avoir couru pour échapper à ces visions d'horreur, je pensais ne plus rencontrer le moindre signe de vie dans le coin ... Je m'approchais donc ... et le cri se fit entendre de plus en plus fort, il en devenait très désagréable, mais me pressait vers lui, dans ma hâte de voir une personne vivante, qui que ce soit.
Une fois arrivée assez proche, je me mis à reculer de plusieurs pas, tout en fixant la scène avec effroi ...
- " Non ... c'est pas possible... "
Je vis cet enfant agenouillé au centre d'une grande marre de sang, deux autres personnes, probablement ses parents, allongées par terre autour de lui. Et l'enfant, seul survivant, pleurait à chaudes larmes... Il pleurait de son unique œil restant. Plusieurs morceaux de verre lui avaient transpercé son second, laissant son visage entièrement ensanglanté ...
- " C'est pas vrai... je suis devenue folle ... je rêve... oui c'est ça je suis en train de rêver ... c'est pas possible ... c'est pas possible ... "
Ces quatre syllabes sortaient instinctivement de ma bouche, sans cesse. Je me détournais alors de l'enfant, priant que tout cela s'arrêterait au plus vite. Mon vœu se réalisa lorsque brusquement j'entendis le fracas de chutes de tôles dans mon dos, suivi d'un soudain silence... En effet les cris s'étaient stoppés net comme je l'avais voulu, c'était à peine si on entendait le souffle du vent. Ce silence, après tous ces bruits désagréables, je ne savais pas si je devais m'en réjouir ou non. Je me contentais de continuer à marcher sans me retourner, afin d'éviter de recroiser le regard d'un autre cadavre parmi tant d'autre.
D'un pas titubant je continuais mon chemin habituel, le regard fixé vers le ciel, le seul endroit qui n'était pas recouvert de ces tas de chairs qui empestaient ; d'ailleurs, ce ciel était étrangement plus rouge que d'habitude, comme si le sang imprégné dans la terre se reflétait sur les nuages. Étais-ce un effet naturel, ou bien autre chose... ?
Au départ je pensais tenir le coup en évitant de regarder devant moi, mais cette situation finissait par être des plus désagréables. Plus je tentais d'oublier, plus je tentais d'observer le ciel, et plus je finissais par revoir toutes ces visions d'horreurs morbides auxquelles j'avais été confrontée ...
- " C'est un cauchemar ! Je vais me réveiller, tout ceci est faux... Pourquoi je n'arrive pas à me réveiller ! Je ne peux pas rester ici... je dois rentrer à la maison !!"
Peu à peu mes pas grandissaient, ma cadence devint de plus en plus rapide, comme si le fait de courir pouvait me faire échapper à tout ça ! Je continuais à courir, toujours plus vite, mes bras faiblissaient, mes jambes me lâchaient peu à peu, mon cœur pompait à son maximum, la sueur et les larmes recouvraient mon visage.
- " Si je ne me dépêche pas je vais finir comme eux !! Qui a bien pu déclencher un tel massacre ?! Les Renégats ? Non impossible! Même leur cruauté ne dépasserait pas de tels actes ! Ce n'est, ce n'est même pas humain ! Tout ceci ne peut être que l'œuvre d'un démon... "
Ma marche se stoppa d'un coup, les pupilles légèrement dilatées j'observais deux autres cadavres qui se trouvaient juste devant mon chemin. Mais cette fois-ci mon regard ne pouvait s’en détacher, car malgré leurs visages défigurés par les flammes, j'étais certaine de les connaître ! L'un des deux corps, qui semblait être une femme, avait le ventre transpercé de manière dégradante, comme si on avait voulu fouiller au plus profond de ses entrailles avec les mains ... Autre détail : un collier en forme de sphère se trouvait à leurs pieds, ce collier cassé qui possédait à l'intérieur une photo de famille. De manière hésitante je pris ce pendentif afin d'observer la photo. Plus de doute, ces personnes étaient bien celles à qui je pensais...
- " Nan ça ne peut pas ... maman... papa... ?"
Je cherchais à serrer ma mère contre moi mais, mes yeux restaient fixés avec effroi vers le creux qui lui transperçait le ventre ... et je réagissais aussitôt après en me levant d'un coup et en criant de toutes mes forces.
- "Où es-tu grand frère ... ?!! TAKO !!!"
Je m'apprêtais à courir mais mes forces m'échappèrent, je me contentais donc de marcher vite, tant bien que mal, quand une silhouette lointaine me surpris peu de temps après. Cette silhouette était facilement visible, entourée par les flammes qui continuaient de dévaster les rares bâtiments encore intacts. De dos, je pensais le reconnaître et en fus soulagée.
- " Tako c'est toi ?? TAKO !!!!"
Je ne pouvais empêcher les larmes de couler le long de mes joues, d'un coup mes forces me revenaient le temps nécessaire pour que je puisse rattraper mon frère.
Il se trouvait alors dos à moi, torse nu, le bras droit entièrement ensanglanté, la chair quasi à vif ...
- " Tako tu es vivant !!! Comme je suis heureuse !! Qu'est ce qui est arrivé ici ? Pourquoi le village est-il dans cet état? Et ton bras ? Raah j'ai trop de questions me viennent en tête en ce moment ! Tako réponds-moi qu'est-ce qu'il se passe enfin je ne comprends plus rien !! "
Une voix assez grave, différente de celle que je connaissais, me répondit:
- " Je peux savoir à qui tu t'adresses gamine ? "
Je pris un air horrifié, mais étonné en même temps! Cette voix, ce n'était pas celle de mon frère, et pourtant, c'était bel et bien son corps que j'avais en face de moi ! Comment étais-ce possible? Et si ce n'était pas Tako, qui étais-ce ? Malgré ma peur, je posais subitement ma main à son épaule.
- "Tako ... ? "
- "Tu veux t'adresser à mon hôte ? Quel dommage ! Ça ne va pas être possible, il va s'absenter pendant un loong moment."
Il se retourna et je pris un peu de recul, et c'est seulement à ce moment-là que je remarquais un étrange détail au niveau de son crâne. Pas de doute, je n'avais pas affaire à mon frère ! Bien que la ressemblance soit plus que frappante, même cette marque à l'épaule, ce sceau du feu ! Je ne comprenais plus... Trois choses le différenciaient pourtant de mon frère : ces choses étranges plantées au niveau de son crâne, sa voix plus que menaçante, et surtout ses yeux : un regard vicieux rempli de haine et de cruauté. Ce serait donc lui qui serait à l'origine de ce massacre ? Et qui aurait tué mon père et ma mère ? Et pourquoi avait-t-il parlé de mon frère comme d'un "hôte"? Comme s'il n'était que la marionnette de cette chose ...
Avant que je n'aie le temps de trouver la réponse à toutes ces questions, une vive douleur me fit revenir à la réalité... le bras de l'inconnu m'avait déjà transpercé la poitrine.
- " Désolé je n'ai pas le temps de jouer avec toi ... je suis pressé vois-tu..."
Je sentis sa main saisir mon cœur. Soudainement ma respiration faiblit de plus en plus ... je levais une dernière fois la tête et ce coup-ci, il me sourit d'une voix assez gênante.
- " Adieu ... petite sœur ! "
Cette voix ... cette fois-ci c'était bel et bien la voix de mon frère ... et c'est après avoir remarqué cela que d'un simple geste il m'arracha le cœur ...
Une forte douleur monta en moi, et me fit lever d'un bond, laissant échapper un léger hurlement. Ce fut ensuite le grand silence ...
- " Qu-qu'est ce qu'il se passe ? Où suis-je ?? ... je vois, c'était encore ce rêve...."
Enfin un rêve, j'appellerais plutôt cela un cauchemar ! Instinctivement, je tendis les mains devant mes yeux afin de les observer. Je l'avais refait une fois de plus, cet affreux cauchemar relatant cet évènement que je tentais d'oublier depuis plusieurs années, mais qui refaisait surface de temps à autre ...
Ma respiration se calmait peu à peu, quand un autre bruit me fit sursauter. Je me levais donc pour voir d'où cela venait ...
- "...Raaah !" *elle jeta un oreiller en direction du lit voisin, qui sembla percuter quelque chose avant que l’on entende un cri*
- "WAAAA !!! C'EST PAS MOI J'AI RIEN FAIT !!"
- "IMBECILE ! TAKO !!! Si tu pouvais éviter de ronfler de temps en temps ça m'éviterais de me lever aussi tard le matin !"
- "Qu'est-ce que j'y peux ?? C'est pas comme si je le faisais exprès..."
- "Repasse moi l'oreiller !"
- "Oui oui oui tout de suite !!!" *il lui lança l'oreiller en question mais celui-ci revint automatiquement sur sa tête, si fort qu'il en tomba par terre* "aïïïe ! ...."
- "Espèce d'abruti, tu ne changeras donc jamais !! ... repasse le moi !"
- "Ah non! Je me ferai pas avoir une deuxième fois !!"
- "Et comment je fais pour dormir hein?"
- "Oh ... " *il se leva et lui redonna doucement l'oreiller d'un air plus que méfiant, craignant une nouvelle fois un mauvais coup de la part de sa sœur*
- "... merci ..."
Il m'avait fait vraiment peur cet abruti ! Non mais je vous jure ! Comment un être aussi frêle et peureux pouvait-il ronfler aussi fort, et de manière si brusque ?? Tss ce qu'il m'énervait !! ... mais d'un certain côté, j'étais rassurée de le voir, que tout cela n'était pas réel même si ça l'avait déjà été un jour, et surtout, de voir qu'il aille bien...
Cet événement me perturbait beaucoup ... Cela c'était passé le jour de notre 10ème anniversaire, je ne voulais plus me souvenir de ça ... plus jamais, même si je savais qu'il me sera impossible par n'importe quel moyen d'oublier de telles horreurs ...
Malgré tout, je me recouchais après une légère hésitation, mais je ne me serai pas endormie de la nuit. Avec la vision incessante de mon frère souriant tout en transperçant ma poitrine...