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Emerald Breath: le journal de Riko

Riko est une jeune étudiante solitaire, à la vie fade et insipide. Jusqu'au soir de ses 20 ans, où elle va se retrouver projetée dans un autre monde ...
Cet autre monde, c'est celui de Vallah, où les codes, les cultures et les langues sont radicalement différents, et avec lequel Riko va desormais devoir composer. On suit donc son arrivée et son installation chez Keishi, un militaire qui se serait bien passé de cette intrusion dans sa vie.

Prologue

 

   Je me nomme Erikô Yamashita, étudiante dans une fac très réputée, et aujourd'hui je viens de fêter mes 20 ans. Je n’ai pas la prétention d’être populaire, ni d’être celle sur qui on se retourne lorsqu’on la croise dans la rue. Physiquement je suis plutôt dans la norme, sans dépasser le mètre soixante, avec une morphologie harmonieuse à l’exception de mes hanches trop prononcées à mon goût.  

    Ce dont je suis fière concrètement, ce sont mes cheveux. Pendant des années, je me les suis laissés pousser afin de mettre cette chevelure rousse en valeur, mais cette couleur est loin de faire fureur auprès des hommes. La seule chose qui suscite un peu l’admiration d’autrui, ce sont mes talents en tant que capitaine du club de Battodo, ou l’art de la découpe au sabre. Je peux également rajouter mon bon niveau en langue étrangère, qui est loin d’être négligeable. 

    Mais ces petits talents ne suffisent pas pour me démarquer de cette fourmilière qu’est la société. Je n’ai pas non plus beaucoup d’amies, car à ce jour le monde ne tourne que par l’intérêt. Je n’accorde pas vraiment d’importance aux personnes qui viennent me parler uniquement quand ça les arrange, sans écouter mes propres besoins. Inutile d’ajouter que mes relations amoureuses sont inexistantes.

 

    Depuis ma vie d’étudiante, toutes mes journées se ressemblent : je me réveille, je me lave, je retrouve mes “amies”, j’étudie, puis le soir je rentre dans cet immense appartement, vide... je pose mon sac qui laisse échapper un écho sur toute la pièce... je fais mes devoirs avant d’aller me coucher, et je recommence le lendemain...  Voilà à quoi se résume ma vie trépidante.

    Mon père voyage beaucoup pour son travail, investissant dans l'immobilier, ce qui explique cet immense appartement qu’il m’a laissé pour que je puisse y construire ma vie pendant son absence. Mêlant études et petits boulots de temps en temps, je n'ai jamais eu la foi d'acheter plus de trois meubles : un fauteuil, une table et un lit. Le strict nécessaire.

    Quant à ma mère, elle nous a tout simplement abandonné il y a onze ans, sans donner la moindre explication. Je soupçonne une sale histoire avec mon père, vu son caractère volage et ses déplacements à répétitions, mais lui-même n’a jamais voulu me donner la raison.

     De toute évidence, plus le temps passe et moins je ressens cette exaltation que l'on est censé ressentir lorsque l'on grandit.

    Aujourd'hui j'ai vingt ans, et pourtant, personne ne s'en est rendu compte. Pas même mes “amies”. Mais à la limite, j’ai tellement peu de considérations pour elles que ce n’est pas si important. Cependant je n'ai pas lâché mon portable de la journée, en espérant un message, un SEUL message... mais même mon père ne se souvient probablement plus le jour de ma naissance.

De toute évidence je ne fais que lui rappeler son erreur avec ma mère, je lui ressemble beaucoup trop physiquement. Cette chevelure rousse que tout le monde critique mais que j’admire, il n'y a qu'elle pour me transmettre cette caractéristique si atypique.                                                

    Passé vingt-trois heures, toujours pas de messages. Tant pis, je vais sortir prendre un peu l'air, je suffoque dans cet appartement …

     Je traversais tranquillement la ville, tout en observant les gens. Passée cette heure, il ne restait plus que les adolescents fêtards dehors, certains courant ivres morts et d'autres se caressant aux coins des rues. Après un instant, l'un d'entre eux a essayé de m'aborder, mais c'était sans compter un coup de pied bien placé au creux de son ventre pour l'en dissuader : "la prochaine fois je viserai plus bas" lui avais-je lancé avant de reprendre mon chemin. C’était vraiment pas le bon soir pour me contrarier. Après plusieurs longues minutes de marche, je finis par arriver au lac du grand parc qui était situé tout au centre de la ville. Vous savez, le genre de parc qui essayait de donner une impression de dépaysement au milieu de tous ces immeubles gris. Et bien que l'herbe soit artificielle, il fallait avouer que l'illusion était parfaite. Et au centre de toute cette verdure se trouvait le reflet de la pleine lune. Cette lumière bleutée m'hypnotisait, comme si le fait de la voir me faisait me souvenir de tous les événements de mon passé, les plus mauvais souvenirs …

      Je n'en peux plus, cette existence fade a perdu tout son intérêt sans réelle reconnaissance. Si même mon père m'a oublié, alors autant m'évader de ce monde... Sans moi, la fourmilière continuera de fonctionner, et mon père n'aura plus mauvaise conscience puisque la preuve de son erreur n’existera plus.

 

     Je m'approche et pose un pied dans l'eau, puis le deuxième, en avançant vers cette lumière bleue qui se trouve au centre du lac. Je suis comme attirée par cette lumière aveuglante, et plus je progresse et plus le monde parait beau dans cet éclat bleuté. Peut-être que sous l'eau le monde me paraîtra encore plus merveilleux

.

     - “Je voudrais disparaître de ce monde.”

     Je finis par être intégralement engloutie sous cette eau éclatante.

Prologue

Chapitre 1

2e Losen - Cycle 962

    Peu à peu, l'éclat bleuté s'effaça, laissant place à un noir profond. Plongée dans l'obscurité la plus totale, ma respiration se bloqua progressivement, me laissant entraîner vers le fond.

Soudain, une étrange vision me vint en tête. Non pas un événement de mon passé, ni même un quelconque souvenir, mais un nouvel éclat, qui dissipa les ténèbres qui m'avaient englouties, et qui s'approchait de moi. Au fur et à mesure, cet éclat prenait une forme que l’on pouvait distinguer. Cette chose me tendit sa main, sans aucun mot. Ravie d'avoir enfin une main qui se tendait vers moi, même si c'était un rêve ou bien une vision d'avant la mort, je lui répondis en lui tendant la mienne, et je crus apercevoir en retour un sourire.

    Après cela, de nouveau le trou noir...

 

    J'avais définitivement quitté ce monde, ou du moins c'était ce que je pensais... jusqu'à ce que je retrouve la faculté d'ouvrir mes paupières et d'observer tout ce qui m'entourait. Un nouveau rayon aveuglait mon regard, mais une lumière différente cette fois-ci. Je me suis réveillée avec cette impression d'avoir dormi pendant des mois, les muscles complètement engourdis. J'avais du mal à réaliser ce qu'il se passait... jusqu'à ce qu'un homme vêtu de blanc vienne me dévisager et hurler d'une langue qui m'était étrangère. Il semblait appeler ses collègues qui, rapidement, vinrent nombreux autour de moi, me reluquer comme si j'étais une bête sauvage... D'ailleurs, c’est à ce moment-là que j’ai réalisé que j'étais en fait allongée sur une table d'opération, intégralement nue, et que ces hommes semblaient être des chercheurs ayant pour but de m'analyser... mais m'analyser dans quel but ? Où est-ce que j’étais ? A vrai dire je m'étais fait une idée assez différente de ce qu'était l'enfer... Les scientifiques semblaient insister sur quelque chose, ils voulaient que je réponde je ne sais quoi. Mais je ne comprenais pas un traitre mot, et pour dire vrai je n'avais même pas envie de me prendre la tête sur ça. Chose que je regrettais rapidement, puisque mon silence me valut une bonne gifle au visage. La scène ressemblait à un interrogatoire, comme si j'étais une espionne, ou du moins quelque chose qui y ressemblait.        La gifle fut si violente qu’elle me fit cracher du sang, et le scientifique continua à me hurler dessus.

 

- "Vas-y, frappe-moi tant que tu veux, parle-moi chinois si ça te fait plaisir, de toute manière je suis morte à présent. Plus rien n'a d'importance pour moi", avais-je pensé tout en lui lançant un regard visiblement hautain, ce qui ne leur avait pas plu...

 

    Le temps défilait, et je ne comptais plus les jours passés dans ce lieu. Je n'avais plus aucun repère auquel me fier. Je sais juste que ça avait duré plusieurs jours, voire plusieurs semaines. J'attendais que cela s'arrête, mais visiblement, le monde où j'avais atterri était bel et bien l'enfer. Ces hommes en blanc m'avaient fait passer plusieurs tests des plus étranges, certains plus douloureux que d'autres... comme si j’étais un cobaye aux pouvoirs mystérieux qu'ils essayaient par-dessus tout de comprendre. Le corps et l'esprit en miettes, je finis par me laisser faire sans dire le moindre mot. D'ailleurs, le peu de fois où j'ai osé leur murmurer quelque chose, ils se sont montrés encore plus violents... Je passais donc mes journées sous cette lumière blanche aveuglante, ça devenait presque une nouvelle habitude.

    Un jour, néanmoins, les choses furent différentes. Autrefois insistants, ils semblèrent tout d'un coup désespérés. Comme si tous leurs efforts n'avaient servi à rien, et laissaient une impression "d'expérience ratée".

 

    L'un d'eux entra dans ma chambre, m'agrippa violemment par le bras et m'emmena dans un lieu que je ne connaissais pas encore. Il me fit traverser un long couloir, sans prendre la peine de me laisser saisir le drap pour cacher mon corps nu. Heureusement, personne n’était présent en chemin. Pas que j'y portais une grande importance, pour une défunte ce serait idiot. Mais je ressentais une autre gêne... le froid du carrelage commençait à parcourir tout mon corps depuis l'extrémité de mes pieds, et ce n’était franchement pas agréable... Il finit par m’emmener devant une porte immense, gardée par deux hommes, qui nous laissèrent directement passer en nous ouvrant le passage. Une fois entrés, il me balança par terre devant un bureau gigantesque où était installée une femme.

 

 

    A en voir sa tenue vestimentaire et sa posture, elle semblait être très haut placée. Dès le premier regard, elle donnait l'impression d'une femme puissante et autoritaire. De très longs cheveux noirs tressés ornaient son visage fin, ses yeux mauves étaient légèrement marqués par l'âge et probablement son travail, malgré son aspect jeune. La première chose qui attira mon attention chez elle furent les nombreux bijoux de cheveux dorés qu'elle portait, lui donnant une allure encore plus élégante. Elle semblait m'examiner tout en tenant une conversation incompréhensible avec l'homme qui m'avait conduite ici. Ce dernier se faisait apparemment réprimander bien comme il faut. Plus de doute à présent, d'une manière ou d'une autre, je n'étais pas la bienvenue ici. Même en enfer je n'avais pas ma place ? Pas besoin de comprendre leur langue pour deviner de quoi ils pouvaient parler. Plus le ton de la femme montait, plus son regard vers moi semblait désespéré. Elle semblait dire "Mais qu'est-ce qu'on va bien pouvoir faire d'elle ?"

    C'est à cet instant précis qu'un fracas vint interrompre leur querelle. Tout le monde se retourna, l'air surpris, et un homme entra de manière déterminée. Apparemment les gardes devaient l’empêcher d'entrer, il avait donc forcé le passage et se dirigeait tout droit vers le bureau de la femme. Le plus étonnant c'est que, malgré son arrivée abrupte, l'air dans la pièce semblait plus apaisant... Comme s'il avait réussi par sa simple présence à calmer les ardeurs de toutes les personnes présentes.

    Avec une attitude totalement indifférente, cet homme passa juste à côté de moi, encore au sol, sans même m’accorder un seul regard. C'est à peine s'il s'était rendu compte de ma présence. Sa longue veste grise volant juste au-dessus de mon visage, De là où j'étais, je pu juste remarquer ses cheveux argentés et une carrure assez prononcée. Ma curiosité m'invitait à le suivre du regard sans m'en détacher. Arrivé devant le bureau de la femme, il posa une enveloppe en tapant sur le bureau.

 

Femme : *s'adressa aux gardes* Je pensais avoir bien précisé "ne laissez entrer personne avant mon autorisation"...

Garde 1 : V-veuillez-nous excuser ! C'est bien ce qu'on a dit mais il n'a rien voulu entendre !!

Homme : Je viens juste déposer mon rapport de mission, je ne vous gênerai pas plus longtemps !

Garde 2 : C-comment oses-tu t'adresser à la Régente sur ce ton !!

Régente : Je vois que tu n'as pas changé, Keishi... toujours aussi arrogant.

Keishi : Ce n'était pas mon intention, loin de là... mais voyez-vous, ces gardes étaient incapables de me dire quand est-ce que vous seriez de nouveau disponible. Je viens tout juste de rentrer de mission, et je n'ai pas envie de passer ma journée devant la porte pour un bout de papier.

Régente : Tu es vraiment incorrigible... Dois-je te rappeler que si tu as seulement été radié ce n’est que grâce à tes compétences plus que bénéfiques pour notre pays. Ne me fait pas regretter mon choix.

Keishi : Que de compliments, j'en suis flatté... Bien, sur ce...

--- L'homme s’apprêtait à repartir mais la femme le rappela d'un ton plus élevé que tout à l'heure. ---

Régente : Attends, je pense que tu peux m'être encore utile...

Keishi : ...C'est à dire ?

Régente : Et bien tu vois... cela fait près de trois décans que des habitants ont trouvé cette jeune fille étrangère à la frontière de Tranh’Ôr. Et malgré ça, ces incompétents de chercheurs sont INCAPABLES de déterminer qui elle est, ni d'où elle vient. C'est à se demander si elle est vraiment amnésique ou si elle joue très bien le jeu.

Keishi : Une fille ?

​​

    C'est à ces mots qu'il daigna enfin poser ses yeux sur moi. Un regard frissonnant que je n'avais jamais vu auparavant. A peine caché sous ses cheveux argentés, il m'observait de ses yeux vairons avec un air à la fois surpris et déconcerté. Il ne semblait même pas porter la moindre attention à ma nudité, mais contemplait très clairement mon visage, bien plus que si j'étais une simple étrangère. Est-ce que lui aussi avait cette même impression de découvrir un être aussi particulier ?

    Nous nous fixâmes depuis un petit moment sans dire le moindre mot.

Keishi : Des cheveux roux... c'est vraiment pas courant dans le coin, en effet....

Régente : Bien, puisque tu es là, tu vas la prendre chez toi le temps d'observer son évolution ici.

Keishi : ...Pardon ?

Régente : Tu as très bien entendu... je te donne l'ordre de l'héberger chez toi ainsi que de me fournir un rapport quotidien sur tout ce que tu peux trouver de suspect chez elle.

Keishi : C'est une blague, j'espère...

Régente : C'est pourtant ton rôle favori de jouer les baby-sitters, non ? Cela ne t'avait pas dérangé jusque-là, n'est-ce pas ?

Keishi : ...

Régente : Bien, je préfère de loin lorsque tu n'ouvres pas la bouche pour me contredire. Tu peux disposer.

 

    La femme le fit partir d'un signe de main tout en lui lançant un regard moqueur. De nouveau, je n'avais pas compris un traître mot de ce qu'ils s’étaient dit, mais visiblement elle l'avait bien contrarié. C'est alors qu'il s'approcha de moi, manifestement irrité par la situation, et sur le coup je pris peur, me demandant ce qui allait m'arriver. Allais-je encore une fois être enfermée dans cette pièce blanche à servir de cobaye ? Probablement... Instinctivement, je fermais les yeux lorsque soudain, je sentis un poids sur moi. C'était sa veste, qu'il m'avait lancée sur le visage.

Keishi : Bon, tu comptes rester ici encore longtemps affalée par terre sans aucun vêtement ? Ils n'ont même pas pris la peine de te faire porter quelque chose ? C'est pire que ce que je pensais........ Quoi ?

Qu'est-ce qu'il me voulait ? Cette veste ? Pourquoi ? Pour moi ? Je ne comprenais absolument pas ce qu'il essayait de me dire. J’aurais tellement aimé pourtant. Il finit par soupirer devant mon silence persistant.

 

Keishi : Si tu as envie de passer ta journée ici, moi non.

 

    Il me tendit sa main, et sans même attendre ma réaction, me prit par le poignet et m'emmena avec lui à l'extérieur de la pièce, sans même saluer la femme. Où cet homme me conduisait-il ? Mais étrangement, même s'il se montrait assez brusque, je ne ressentais pas la même peur qu'avec les autres hommes... Bien au contraire. J'avais comme l'impression qu'il me tirait pour me sortir de cet enfer. Rien que par sa présence, je me sentais rassurée. Une fois dehors, il me lâcha le bras, et j'en profitais pour enfiler correctement sa veste qui, bien sûr, était trois fois trop grande pour moi. Au moins cela permettait de cacher tout ce qu'il fallait. Une fois fait, je portais un regard sur le monde qui m'entourait, et le dépaysement fut total. Tout m'était inconnu. Que ce soit l'architecture, les tenues vestimentaires, la végétation… Tout ce qui aurait dû me sembler familier ne l'était pas, et cela qu'importe l'endroit où je posais les yeux.

 

Keishi : C'est quoi ces yeux pleins d’émerveillement ? Tu as vécu toute ta vie dans ce bloc ou quoi ?

    Je tournais le regard dans tous les sens, tout me paraissait si beau. Après tous ces mauvais événements, c'était la première fois que je ressentais cette exaltation. J'étais si emballée par le bref instant que cet homme m'avait offert que, ne pouvant pas le remercier directement, je portais un regard fasciné vers celui qui m'avait en quelque sorte "sauvé la vie". Et apparemment, ce fût bref, mais il sembla un peu déconcerté.

 

Keishi : ...Bon tu vas quand même pas rester comme ça.... On va aller t'acheter des vêtements, même si ça ne m'enchante pas vraiment de traverser le centre-ville en débardeur accompagné d'une fille nue uniquement vêtue de ma veste...

D'un geste de la tête il me fit signe de le suivre, et bien que je sois encore méfiante vis à vis de ce qui m'attendait, je le suivis, tout en gardant une certaine distance.

 

 

Chapitre 1
NB: Erikô va commencer à parler dans sa langue natale. Pour votre compréhension je mettrai son dialogue entre guillemets et en italique lorsque c'est le cas.

Chapitre 2

2e Hortea - Cycle 962

    Cela faisait plusieurs minutes que nous traversions le centre-ville. J'observais chaque recoin, chaque vitrine, les yeux grands ouverts. Les marchands me proposaient des fruits dont la forme m'était inconnue, mais l'homme qui m'accompagnait les saluait poliment tout en me tirant davantage par le bras. Il ne semblait pas très à l'aise par la situation.

    En effet, pendant mon exaltation je n'y avais pas porté attention, mais tous les regards étaient rivés sur nous. Certains semblaient sourire, certaines paraissaient choquées. Et s'il était quelqu'un de populaire ? Le genre de personne si reconnaissable que tout le monde le saluerait. Il faut dire qu'un physique pareil ça ne passait pas inaperçu. En le réalisant je me sentais soudain gênée et décidait de le suivre sans m'échapper cette fois-ci. Arrivés dans une petite rue moins fréquentée, il essaya de me faire comprendre quelque chose.

 

Keishi : En te regardant, j'ai vraiment l'impression que tu découvres le monde... D'où viens-tu ? Et quel est ton nom ?

    Sa voix sonnait comme une interrogation. Si seulement il m'était possible de le comprendre et de lui répondre en retour.

 

Erikô : "Je ne comprends pas ce que tu veux dire"...

    Pendant un instant j'avais eu peur d'une violente réaction à l'écoute de ma voix comme cela s'était toujours passé depuis que j’étais arrivée ici. Mais au lieu de ça, il semblait satisfait d'entendre enfin le son de ma voix. Il me scruta d'un regard curieux qui ne me déplut pas.

​​

Keishi : ... Je sens que la communication entre nous va être encore plus compliquée que prévu. Il faudrait au moins que je la trouve, elle saura sûrement te comprendre... enfin, je ne vais quand même pas passer ma journée à t'appeler "Hey toi"... Ton nom ? Quel est ton nom ?...

    Il semblait insister sur quelque chose. Mais plus il persistait et plus il s'approchait de moi, plus je me reculais instinctivement. Tellement que mon pied fini par se poser sur un des bouts de tissu attaché à la veste que je portais, me faisant tomber en arrière avant même qu'il ait eu le temps de réagir. Une voix féminine finit par nous interrompre.

 

Femme : Eh bien, si un jour on m'avait dit que j'assisterai à ça...

 

    Cette voix venait d'une femme bien plus grande que moi. Elle devait atteindre le mètre soixante-dix. Son long manteau bordeaux et doré, assez entrouvert pour constater qu’elle était légèrement vêtue. Un short noir avec des bas opaque et d'un haut noir montraient son nombril, assortis à ses cheveux mi-longs noir ébène. De fines lunettes rouges, sans anti-reflet, cachaient son regard qui, en constatant son sourire narquois, devait être plein de suspicion... Derrière elle se trouvait un homme blond d'une bonne carrure. Il paraissait calme et posé, comparé à l'excentrique juste en face de lui…

 

Keishi : Tiens... justement, Saya, je te cherchais...

Saya : Ne change pas de sujet ! Comment tu expliques le fait qu'une aussi jolie fille, entièrement nue, porte TA veste, allongé au sol dans une ruelle aussi sombre … ?

 

    Elle me pointa du doigt. Et en suivant sa direction, je réalisais que pendant ma chute la veste s'était un peu ouverte, laissant à découvert ma poitrine que je m’empressais de cacher.

 

Keishi : Qu'est-ce que ça peut te faire ? Imagine-toi ce que tu veux si ça peut te faire plaisir...

Saya : Hahahahahaha !! Tu me déçois beaucoup Kei ! Ça me donne encore plus envie de te disséquer ! ♥

Keishi : Finalement, je sais pas si je vais compter sur toi, c'est peut-être dangereux d'approcher cette fille de...

Saya : *agenouillée devant Erikô, elle prit quelques mèches de ses cheveux dans ses mains* Oooh !!! Je n'avais jamais vu une telle couleur de cheveux !!! C'est une teinture ?? Non, cette couleur est impossible à obtenir. C'est incroyable !! Merveilleux !! Kei, tu as le chic pour trouver de vraies perles de la recherche scientifique !! Même si, bien sûr, pour moi tu restes en tête de liste ! ♥

Keishi : ... Yoki... comment fais-tu pour la supporter ?

Yoki : ... Probablement par le fait que je sois... "banal" ?

Keishi : T'as bien de la chance...

Yoki : Je sais pas si c'était un compliment... mais plus sérieusement, d'où sort cette fille ?

Keishi : Tu ne vas pas me croire, mais c'est la Régente elle-même qui me l'a collée... c'est une étrangère amnésique qui n'a, semble-t-il, toujours pas retrouvé la mémoire... Je n'arrive absolument pas à communiquer avec elle, c'est pour ça que j'étais à la recherche de Saya pour savoir si elle, elle comprendrait quelque chose.

Saya : Une étrangère ?... Intéressant ! Parle-moi allez !! Vas-y !! Parle !!

Erikô : *elle lui lança un regard désabusé*

Saya : ... Kei, tu es sûr qu'elle sait parler au moins ??

Erikô : ... "Kii" ?

Saya : !!! Vous avez entendu !! Elle a dit quelque chose !!

Erikô : "C'est moi où tu as l'air d'être vachement lourde comme fille. Laisse-moi tranquille deux minutes"

Saya : ...

Keishi : !! Tu as compris quelque chose ??

Saya : ...Absolument pas !

Keishi/Yoki : ...

Saya : Mais c'est de plus en plus intéressant ! Malgré tous les livres de langue que j'ai pu lire, je n'avais encore jamais entendu de tels mots ! Peut-être qu'en nous renseignant à la salle des archives on pourrait trouver quelque chose !

Keishi : C'était ma première idée puisque visiblement tu ne sers à rien...

Saya : Toujours aussi froid et associable, tu ne fais donc aucun effort ? Tant pis pour toi, tu n'en souffriras que davantage le jour où je devrais soigner tes blessures après une dure mission...

Yoki : Et sinon... Vous comptez vous quereller encore longtemps tout en la laissant habillée comme ça ? En milieu d'après-midi le vent commence à souffler, il ne faudrait pas qu'elle ne prenne froid...

Keishi : ...

Saya : Hmmm... bien, puisque je suis inutile, je suppose que je peux te laisser bien galérer dans les boutiques de vêtements féminins, hein ?

Keishi : N'insiste pas... tu as très bien compris où je voulais en venir...

Saya : Oui, en effet... ça doit être tellement drôle de te voir traîner dans les rayons des dessous féminins ! Ces rayons sont généralement très mal rangés et...

Keishi : Y a pas moyen, je ne mettrai pas un seul pied là-dedans.

Saya : Aaaah ? Et qu'est-ce que j'aurai à y gagner hein ?

Keishi : Certainement pas ce que tu es en train de penser en tout cas !

Saya : Désolé. Pas de dissection, pas de shopping entre filles !

Yoki : La discussion prend une tournure étrange.... *il soupira et posa ses mains sur les têtes de Saya et Keishi, en les frottant désagréablement* Vous rendez-vous compte que vous êtes en train de traiter cette fille comme un jouet dont on voudrait se débarrasser ? Vous n'avez pas honte ? Si ça vous demande tellement d'effort de rendre service sans rien en retour, je m'occuperai de l'habiller !

Saya : *aïe aïe aïe*... Arrête de te faire passer pour un mec hyper attentionné, je sais plus que quiconque que de nous tous tu es le plus vicieux...

Yoki : *il manqua de s'étouffer en toussant* P-pardon ??

Saya : Quoi ? Tu ne te souviens pas ? Laisse-moi te rafraîchir la mémoire.... Cette fois-là où...

Yoki : *il tendit Erikô vers Saya* Ok t'as gagné, j'abandonne ! ♥

Saya : Bon ! Puisque visiblement j'ai gagné : ON VA ALLER FAIRE DU SHOPPING !! *elle tira Erikô par le bras en direction des magasins*

Keishi : *il se frotta la tête* Cette fille est incontrôlable, elle me fatigue... Elle ne m'avait pas manqué en tout cas.

Yoki : *il soupira avant de sourire* Ça me rappelle le bon vieux temps où on était inséparables !

Keishi : Malgré moi...

Yoki : Il manquerait plus que Sohji arrive...

Keishi : Surtout pas. La situation serait encore plus incontrôlable avec lui...

Yoki : Hahaha ! C'est pas faux !... Au fait, comment vont les jumeaux ?

Keishi : Tako et Hana ? Et bien, visiblement, leur adaptation dans leur nouvel appartement se fait plutôt bien... Il est assez éloigné du centre donc ça leur permet de ne pas être trop englobés par la foule. Par contre, en ce qui concerne Tako... Je pense qu'il n'a toujours pas osé sortir depuis "l'incident".

Yoki : J'imagine bien... enfin, le principal c'est qu'ils soient en bonne santé.

Keishi : Je devais leur rendre visite en rentrant de mission, mais je dois remercier la Régente pour sa coopération...

Yoki : Moi, je serais pas contre héberger une aussi jolie fille chez moi.

Keishi : Saya a raison, tu es le pire de tous...

Yoki : Hein ?

Keishi : Bon, je vais les rejoindre, j'ai peur de voir dans quel état je vais les retrouver...

Yoki : ... Oui, bonne idée...

 

--- Les deux hommes scrutaient les vitrines en espérant trouver les deux jeunes filles, d'abord sans succès. Brusquement, un brouhaha attira leur curiosité vers une boutique au bout de la rue. Une fois à l'intérieur, on pouvait voir plusieurs vendeurs courir dans tous les sens à la recherche de tenues. Il semblerait qu'elles étaient bien ici, et en effet Saya se trouvait à l'entrée des cabines d'essayage. ---

 

Yoki : Alors ? Qu'est-ce que ça donne ?

Saya : ... *elle sourit sadiquement* Cette fois-ci ce sera parfait...

Keishi : Qu'est-ce que vous lui avez fait...

Vendeuse : Tenez !! Voici les mitaines et les bas que vous m'avez demandé !

Saya : Merci ! *elle entra dans la cabine laissant échapper des bruits bien suspects de l’intérieur*

Yoki : ... Elles ont peut-être besoin d'aide, tu crois pas ?

Keishi : Fais un pas et tu t'en prends une...

Saya : *Après 5 bonnes minutes de lutte, elle ressortit de la cabine* J'ai eu bien raison d'insister... on dirait que cette tenue est faite pour elle !!

Yoki : On veut voir !!

Keishi : ....

Saya : Vous l'attendiez tous... la voici !

 

--- Elle tira le rideau et Erikô se présenta devant les yeux ébahis des deux hommes et des vendeuses qui, elles aussi, attendaient le résultat. Saya lui avait fait porter un corset brun aux broderies dorées, assez court pour dévoiler un peu son ventre. Un mini short attaché par de grosses sangles en cuir brun mettait ses hanches généreuses en valeur. Accompagné de longues mitaines et de bas violets. Les détails ambrés de sa tenue mettaient davantage ses cheveux roux en valeur, bien qu'ils soient encore décoiffés par les derniers événements. Cela lui donnait presque un effet plus "sauvage" qui ne déplaisait pas à certains... La jeune fille, un peu intimidée par les regards qui la dévisageait, cherchait instantanément du regard un miroir pour se découvrir. Et lorsqu’elle le trouva, son regard était plus que satisfait. Elle se regardait dans tous les sens en admirant chaque détail de ce qu'elle portait. ---

 

 

Keishi : Tu es sûre... que tu l'as "habillée" ?

Saya : Bah évidemment ! Tu en as d'autres des questions aussi stupides ?

Keishi : *il soupira* Je te rappelle qu’on est en Hortea, et qu’à cette période la température ne dépasse pas 10 degrés. Tout le monde n’est pas un monstre comme toi à s’habiller le ventre à l’air sans avoir le malheur d’attraper froid !

Saya : Quoi ? Ça ne te plaît pas ?

Keishi : ... Je ne ferai aucun commentaire...

Saya : Rabat joie… Regarde, un haut à manches longues, un collant et une veste, et hop ! On n’en parle plus !

 

--- Erikô s'élança vers Saya en lui tenant les mains pour la remercier, et en réponse Saya sortit son portefeuille tout en désignant Keishi, comme pour dire "ne me remercie pas, c'est lui qui paie tout ça". Elle se tourna alors vers Keishi, des étoiles plein les yeux. Devant ce regard ce dernier n'avait pas la force de refuser la proposition agaçante de Saya. ---

 

Saya : Au fait, elle s'appelle Erikô !

 

--- Keishi fût surpris de la révélation. A cette nouvelle, il avait eu l'impression d'avoir la possibilité de pouvoir mieux communiquer avec elle. Mais avant qu'il ait eu le temps de parler, elle semblait vouloir dire quelque chose. ---

 

Saya : Allez vas-y ! Fais comme je t'ai montré !

Erikô : M...M... Merci... Kiitshi...

Keishi : ... "Kitshi" ?...

Saya : Hahahahaha !! "Kitshi" !! Si c'est pas mignon ! C'est presque aussi adorable que le "Keishou" de Sohji !!!

 

--- Énervé par la situation, il envoya une légère décharge électrique pas très agréable vers Saya, et lorsqu'il tourna son regard vers Erikô, elle sembla perturbée par sa réaction, comme si elle ne comprenait pas ce qu'elle avait dit de mal, ni d’où venait cette électricité. Il comprit alors qu'il s'agissait tout simplement d'un problème de prononciation et non d'une mauvaise blague venant de sa part. Il se calma en soupirant et frotta calmement sa tête. ---

 

Keishi : Merci à toi... I...Air…"Rikô"... ?

 

--- Il semblait que lui aussi ait quelques difficultés à prononcer son nom. Et la jeune fille l'avait soudainement compris. D'ailleurs, ce nouveau "surnom" ne lui déplaisait pas ! Ce n'était pas grand-chose, mais elle était déjà contente de pouvoir dire "merci" et de se faire comprendre. Et elle avait hâte de continuer à apprendre cette langue afin de pouvoir communiquer avec l'homme qu'elle admirait à ce jour. ---

 

Rikô : Merci Kitshi !!

Keishi : Bon, c'est bon, j'ai compris. On peut y aller maintenant !! … Enfin, tu vas quand même prendre quelque chose de plus habillé ! *embarrassé, il prit soin malgré la hâte de lui prendre un banal t-shirt noir avec une veste et des collants violets, et la repoussa dans le vestiaire pour qu’elle puisse se changer convenablement. En attendant, il en profita pour remettre sa veste et aller en caisse pour payer tous ses achats. Et à peine sortie des vestiaires, elle constata qu’il s’apprêtait à partir, et partit donc à sa poursuite sans avoir le temps de saluer personne*

Yoki : ... Heu... Il nous a laissé en plan je crois là, non ?

Saya : Hmmm, c'était déjà drôle à voir lorsqu'il s'occupait des jeunes jumeaux, mais là ça va devenir bien plus intéressant, si tu vois ce que je veux dire... *elle laissa échapper un léger rire sadique*

Yoki : Tu penses qu'il peut... ? Noooon impossible ! On parle de Keishi là !

Saya : Je pense que je vais en informer quelqu'un... il va sûrement être heureux de l'apprendre !!

 

    Une fois de plus, je suivais cet homme dont je m'étais peu à peu rapprochée. "Kitshi" c'était son nom. Les gens d'ici étaient tous très étranges, mais cette personne était particulièrement "intéressante". Au premier coup d’œil, il donnait une image froide et nonchalante. Le genre d'homme qu'on aimait taquiner et pousser jusqu'à ses derniers retranchements pour voir jusqu'où il pouvait garder son calme. Mais jusqu'ici, tout me prouvait qu'en fait il était tout le contraire. Un homme simple, gentil et prévenant. Se montrait-il comme ça uniquement avec moi ? Ou bien était-ce tout simplement le fait que je sois plus attentive au moindre de ses gestes du fait que je ne comprenne pas ses mots ? En ce moment, bien qu'il restait calme, je sentais qu'il n'était vraiment pas à l'aise avec la situation. Après tout, c’était compréhensible. Visiblement il ne m'avait pas pris sous son aile de son plein gré. Cette "femme" lui avait probablement demandé de me surveiller, ou quelque chose comme ça. Histoire de se débarrasser de moi...

 

Keishi : ...Ne tire pas cette tête inquiète. Nous allons juste à la salle des archives afin de trouver des documents dont tu pourrais te servir pour l'apprentissage de notre langue... Peu importe qui tu es, ni d'où tu viens, si on n’arrive pas à se comprendre on ira pas bien loin...

 

    Rapidement, nous arrivâmes devant un immense bâtiment. Une fois à l'intérieur, il me fallut un bref instant pour que mes yeux s'habituent à la pénombre environnante. Nous nous trouvions à l'entrée d'une immense salle. Au centre, se trouvaient de grandes étagères croulant sous divers livres, papiers ou autres documents, si hautes qu'on n’en distinguait pas le sommet. Il y planait une agréable odeur, un mélange de vieux bois et de papier.

    Nous nous dirigeâmes au fond de la salle afin de retrouver une femme à l'accueil.

 

Femme : En quoi puis-je vous aider ?

Keishi : Je recherche autant de documents possibles concernant les langues étrangères perdues et l'apprentissage de la langue locale...

Femme : Très bien, veuillez me suivre, je vous prie.

 

    Elle nous amena vers l'un des interminables couloirs de la salle, et sélectionna soigneusement divers documents parmi le nombre démesuré de ceux qui se trouvaient ici. Avec notre aide, elle déposa tout sur une table de consultation.

 

Femme : N'hésitez pas si vous avez besoin d'autre chose.

 

    Keishi la salua en remerciement et commença à feuilleter le tas considérable d'archives récoltées. Il lisait chaque page avec un certain sérieux et tria ce qu'il comptait emprunter. Dans la pénombre de la pièce j'observais son regard attentif. J'étais subitement fascinée par ses yeux envoûtants. Ce n'était pas juste dû à la couleur magnétique de ses yeux, mais la manière dont il posait le regard sur les choses. Comme s'il avait le pouvoir d'analyser chaque chose en profondeur simplement en la regardant. C'était l'effet que je ressentais à chaque fois qu'il posait les yeux sur moi. Soudainement, il leva la tête vers moi, remarquant probablement mon regard sur lui, et bien que l'envie de détourner les yeux me vint à l'esprit, je ne pus décrocher mon regard du sien. Il avait l'air de se demander pourquoi je le fixais avec autant d'insistance. Je me rappelais alors cette fois où il avait envoyé une légère décharge à la fille excentrique quelques instants plus tôt. Les gens d'ici détenaient-ils des pouvoirs spéciaux ?

 

Keishi : On dirait que quelque chose te préoccupe... *Rikô essaya de lui faire comprendre son intérêt sur ce qu'il s'était passé tout à l'heure en imitant tant bien que mal de l’électricité, et en réponse il tendit sa main devant elle tout en produisant une petite boule électrique * C'est de ça dont tu parles ?

 

    Les yeux ébahis devant ce spectacle, j'admirais ce qu'il venait de se produire. D'où est-ce que ça sortait ? Instinctivement, l'envie de toucher cette boule d’énergie guida ma main vers la sienne, mais ce dernier la fit disparaître aussitôt.

 

Keishi : Je ne ferais pas ça si j'étais à ta place, à moins que tu veuilles avoir les membres paralysés pendant une bonne semaine ?... C'est bien ce que je pensais, tu n'as jamais entendu parler du Spiria ?

Rikô : ... "Sp.... Spiria" ?

Keishi : C'est pas surprenant... Comment t'expliquer cela... *il se procura une feuille blanche et gribouilla tout ce qui expliquait le plus "clairement possible" la provenance de son pouvoir pour qu'elle comprenne, ce qui était loin d'être évident quand on avait aussi peu de talent en dessin que lui...* L'être humain est en quelque sorte composé de 4 éléments différents : Le Corps, l'Âme, l'Esprit, et le Spiria. Cependant peu de gens connaissent l'existence de cette quatrième partie. Et même en le sachant, très peu d'individus savent le maîtriser. C'est pour cela que la majorité des personnes qualifiées entrent dans l'armée pour mettre leur pouvoir à contribution... On pourrait représenter cela comme un flux d'énergie propre au corps humain, et chaque flux se matérialise différemment selon la nature de chaque individu : moi elle se matérialise sous la forme d’une "foudre bleue".

Rikô : *fascinée par ce qu'il tenta de lui faire comprendre, elle se désigna du doigt comme pour lui demander si elle aussi en possédait un*

Keishi : Dans ton cas, c'est assez étrange... habituellement chaque individu, sans même l'avoir utilisé une seule fois, possède un Spiria assez gros pour que je puisse le distinguer... mais dans ton cas, c'est tellement minime que je n'arrive même pas à en déterminer sa nature... *Rikô hocha la tête, essayant de comprendre, et il lui répondit en désignant son œil bleu* Cet œil me permet de percevoir le Spiria de n'importe qui. Je peux même en déterminer sa nature. Mais ton Spiria semble être comme… endormi. Comme si quelque chose le bloquait... *la discussion commençait à être difficile à représenter par dessin, du coup il soupira et conclut* Enfin on verra ça avec le temps. En premier lieu, ce serait bien que tu apprennes les bases pour qu'on puisse communiquer tous les deux ! *il lui tendit un bon tas de bouquins, qui ne sont autres que des livres pour enfants qu'il avait apparemment sélectionnés pour elle. En réponse elle lui fit une grimace* Quoi ? Tu n'aimes pas lire ?... Et bien tu n'auras pas vraiment le choix ! Bon, je pense que ça suffira pour aujourd'hui, je reviendrai si on a besoin de plus de documents.

 

    Je pris la peine d'emporter son "œuvre d'art" après m'être levée, et ce fut les bras chargés de documents que nous nous dirigeâmes vers son appartement…

Chapitre 2

Chapitre 3

2e Hortea - Cycle 962

    Nous arrivions dans un quartier résidentiel un peu plus reculé du centre-ville. Il n'y avait là que de bas appartements de deux à trois étages maximum. Keishi me désigna l'un d'entre eux et je compris qu'il s'agissait de son chez-lui. Les bras chargés nous montions les étages à pied. Il n’y avait pas d'ascenseur. D'ailleurs chaque étage n'avait qu'une seule porte, et donc se composait d’un seul et même appartement. A l'origine cela devait être une seule maison divisée par le propriétaire pour faciliter la location. En passant, nous croisâmes une de ses voisines, qui visiblement n'avait pas fait attention à ma présence. Elle était assez jolie, une grande brune aux yeux noisette, et son regard pétillait un peu trop à mon goût...

​​

Voisine : Bonsoir Keishi !! Déjà rentré de mission ?? Oh je vois que tu es chargé, tu as besoin d'aide ?

Keishi : Aselle ! Merci beaucoup, mais comme tu peux le voir je suis déjà aidé par quelqu'un.

​​

    Elle me fixa du regard, d'un air abasourdi. Comme si ma simple présence la gênait. Satisfaite de l'avoir froissée, je la saluais inconsciemment d'un sourire hypocrite.

Aselle : Bon et bien... je vais vous laisser alors...

Keishi : Merci, en plus on va être occupés toute la soirée, préviens-moi surtout si on fait trop de bruit…

    Il continua de monter les escaliers en laissant la femme offusquée par ce qu'elle venait d'entendre, le visage se décomposant sur place. Et même si je n'avais pas compris le moindre mot, je me sentais satisfaite de la situation. De la jalousie ? Du sadisme ? Un mélange des deux.

    Arrivés au dernier étage juste au-dessus, il ouvrit la porte et entra dans une pièce sombre.

Keishi : Attend là une seconde.

    Se repérant facilement chez lui malgré la pénombre, il entra et posa ses archives sur une table qui se trouvait tout au fond. Il revint vers moi et posa sa main sur une plaque sculptée en fer se trouvant juste à côté de la porte d'entrée. Au bout de 5 secondes la pièce s'illumina intégralement comme par magie. Stupéfaite par ce qu'il venait de faire, je ne décrochais pas le regard de cette sculpture murale et ce dernier en profita pour prendre la lourde charge que j'avais encore dans les bras et tout poser avec le reste.

 

Keishi : Tu n'as probablement jamais vu ça... De manière générale les gens utilisent des réactions chimiques pour utiliser l’énergie nécessaire afin de produire de la lumière ou faire fonctionner des machines, mais étant donné que je maîtrise la foudre j'ai fait construire ce système sur mesure pour... *Rikô hocha la tête et il soupira*... je t'expliquerai ça en dessin un jour...

 

    En me tournant vers Keishi mon attention se porta vers l'ensemble de l'appartement. Contrairement à ce que j'avais toujours connu, il y régnait une atmosphère chaleureuse. Il n'y avait pas beaucoup de meubles mais juste ce qu'il fallait. Les murs étaient décorés par de nombreuses œuvres peintes à la main. Je m'empressai de faire le tour de la pièce, observant cet espace propre et ordonné. On se demanderait presque si l'appartement était vraiment tenu par un homme... Le salon donnait sur une grande cuisine ouverte, visiblement bien équipée. Sans attendre la moindre autorisation, j'ouvris les deux autres portes. L'une menait vers la salle de bain, composée à la fois d'une cabine de douche et d'une grande baignoire : Le rêve ! La deuxième vers la chambre, qui comptait un grand lit deux places et une grande armoire. Avant que je n’aie le temps de mieux observer, Keishi apparu derrière mon dos et me lâcha une grande serviette au-dessus de ma tête.

 

Keishi : Ne touche absolument à RIEN avant d'avoir pris une douche... je voudrais pas passer des heures à nettoyer tous tes dégâts... *il montra la direction de la salle de bain pour le lui faire plus clairement comprendre*

 

    J’avais perdu toute notion du temps, mais en tout cas, ce qui était sûr c’est que depuis mon arrivée ici c'était que j'avais vraiment besoin d'une bonne douche ! Je m'empressais donc d’aller joyeusement vers la salle de bain.

    Cependant, tout était tellement bien rangé qu'il m'avait bien fallu une bonne minute pour trouver de quoi me laver, accroupie devant les divers placards.

    Soudainement, un bruit suspect interrompit mes pensées. Comme si on tapait à la fenêtre mais de manière délicate. Après une certaine hésitation, je me levai en tournant le regard vers l'endroit d'où le bruit venait. J'aperçu alors le visage d'un homme louche qui me matait en douce avec un sourire béat. Il me salua alors de la main.

 

Homme louche : Bonjouuur !

    Un cri aigu sortit instinctivement de ma bouche, ce qui fit accourir Keishi à mon secours, sans même se poser de question.

Keishi : Qu'est-ce qui se passe ??

    Son regard croisa celui du mec louche... et d'un coup on pouvait lire dans ses yeux tout le dégoût et le mépris qu'il pouvait ressentir envers cette personne. Du moins, c'était ce que j'avais remarqué, malgré ma panique.

 

Rikô : "C'est quoi ce bordel ??? Qui c'est lui ?? Depuis quand on mate les gens comme ça ?? Et puis on ne rentre pas sans autorisation !!!"

Keishi : On peut savoir à quoi tu joues ?

Homme louche : Hmmm Saya avait raison. J'étais persuadé qu'elle me racontait des histoires mais en fait j'avais tort... Félicitations "Keishou" ! ♥

Keishi : Tss ! *agacé, il s'empressa de courir vers la fenêtre qui s'ouvrit automatiquement grâce à son pouvoir et se jeta sur l'homme en atterrissant deux étages plus bas dans un buisson*

Rikô : Kitshi !!!

 

    Je m'empressai d’aller vers la fenêtre pour m'assurer qu'il allait bien. Les buissons s’agitaient beaucoup trop à mon goût. Ils n’étaient quand même pas en train de se battre ?? Et si ce mec louche avait lui aussi un pouvoir surpuissant ? Est-ce que Keishi va s'en sortir ?

    Après quelques secondes, j'aperçus le visage de Keishi sortir du buisson... avec "le mec louche" accroché à lui. Il semblait lui faire un... câlin...

 

Mec louche : Ça y est, enfiiiin !! Keishou a une copiiiiine !! Félicitatioons !!

Keishi : Sohji… Je te jure que si tu me lâches pas, je te foudroie...

Sohji : Brrr !! J'ai si peur ! Ne t'inquiète pas je ne te la piquerai pas.

    "Sohji" ? J'ai déjà entendu ce nom quelque part... Il me semble que Saya y a fait allusion lorsqu'on était seules toutes les deux. Je n'ai pas vraiment compris où elle voulait en venir mais... visiblement c'est un proche de Keishi. Tous les deux continuaient à se parler, et à se "battre" de temps en temps. Puis ce dernier "disparut" un instant de mon champ de vision, pour apparaître devant moi le visage à l'envers.

Sohji : C'est donc toi Rikô ? Enchanté !!

Rikô : "Q-qui es-tu ??? "

Sohji : Aïe-aïe-aïe ! C'est pas un très bel accueil ça ! Enfin, je peux comprendre... je ne me suis pas encore présenté. Veuillez m'excuser, belle demoiselle ! *il entra dans la pièce* Je me nomme Sohji, et je suis le meilleur ami de Keishi. Enchanté !

    Non mais c'est quoi son problème ?? Il vient me saluer poliment, moi, comme si de rien n'était, avec sa joue encore bien rouge...

    Mais mis à part l'absurdité de la situation, il est vrai que c'était un homme plutôt charmant.

    Sa longue chemise bordeaux ainsi que sa veste mauve en queue de pie, toutes deux ornées de symboles dorés lui donnaient une allure d'homme aisé. Ajoutez à cela une chevelure blonde lui arrivant en bas de la nuque, des yeux aussi bleus qu'un ciel d'été, et le sourire le plus doux qu'il m'ait été donné de voir jusqu'à présent.

    Cependant cette vision idyllique s’interrompit rapidement lorsqu'il se prit un coup de coude au-dessus du crâne.

Keishi : Depuis quand est-ce que tu es mon "meilleur ami" ?

Sohji : *il fit comme si de rien n'était malgré la petite traînée de sang qui coule sur son visage* Ça sert à rien de renier ton amour pour moi !

Rikô : "Ton.... ton visage...."

Keishi : Tu veux vraiment mourir, hein ?

Sohji : Et si tu t'occupais plutôt de ta petite amie ? Elle a l'air de chercher quelque chose...

--- Le regard de Keishi se pétrifia sur place. ---

Keishi : Ma.... ma salle de bain....

 

​     En effet, sans faire attention, j'avais un peu (beaucoup) ravagé la pièce... en cherchant les produits de douche j'avais "malencontreusement" jeté les autres produits par terre sans prendre la peine de les ranger. Du coup, la salle de bain avait une allure de seconde guerre mondiale, et Sohji se mit à éclater de rire.

Sohji : HAHAHAHAHAHAHA ! Je l'aime cette petite !

Rikô : Dé.... Désolée...

Keishi : *il resta stoïque sans rien dire*

Sohji : Oh, alors elle parle tout de même un peu notre langue. Elle enregistre facilement les mots qu'on lui dit... *il regarda Keishi qui semblait impuissant face à elle malgré sa forte envie de crier au scandale* Et bien... elle te désarme complètement ! Si c'était Tako, ça ferait longtemps que tu lui aurais tiré les oreilles.... ou bien mis une bonne fessée

Keishi : Sors de chez moi !! *il le sortit dehors à coup de pied au cul* Et ne t'avise plus de rentrer chez moi par la fenêtre ! Ni par la porte d’ailleurs ! Ne viens même plus me voir !

Sohji : *il regarda Rikô en lui faisant un clin d’œil* On se reverra... "Riri"

Keishi : *il lui ferma la porte au nez et lâcha un long soupir exaspéré* Il a fallu qu'elle lui en parle... Je peux dire adieu à ma sérénité ! ... *il vint s'agenouiller au niveau de Rikô pour lui donner une pichenette sur le front* Et toi, tu vas vite me ranger tout ça ! Si je t'ai demandé de te laver ce n'est pas pour encrasser toute la pièce, compris ?

Rikô : Aiiie... *elle acquiesça de la tête la larme à l’œil* Com...pris…

    Je n’étais pas sûre d'avoir tout compris avec tout ce bazar... Enfin, il était clair que je devais ranger la pièce avant de me doucher. Une nouvelle fois, de nombreuses pensées me traversaient l'esprit. Jusqu'ici je n'avais eu affaire qu'à des gens anormaux, tous aussi excentriques les uns que les autres. Keishi, Saya, Yoki, et maintenant Sohji... Je me demandais, qui vais-je rencontrer par la suite ? Je trouvais ça à la fois terrifiant et excitant. Rien à voir avec ma vie d'avant. Enfin, ma priorité pour le moment était d'apprendre la langue locale. Je ne savais pas où cette histoire allait me mener, mais peu m’importais.

    Après avoir correctement rangé la pièce, je sortis de la salle de bain fraîchement lavée, vêtue d'une serviette. Arrivée à la porte, je sentis une odeur plutôt alléchante. Keishi était en train de cuisiner un plat dont le parfum m'était inconnu. Curieuse, je m'approchais, mais il ne semblait pas faire attention à moi. Ses gestes étaient vifs et précis, plutôt étonnant venant d'un homme. Non pas que je sois sexiste, mais cet homme n'était pas "n'importe quel homme". A première vue, personne ne serait capable d'imaginer qu'en plus d'être maniaque et ordonné, il soit aussi doué en cuisine. Il avait plus l'allure d'un homme blasé et asocial, le genre à tout bâcler par flemmardise. Décidément, de toutes les personnes excentriques que j'avais pu rencontrer jusqu'ici, c'était la personne la plus intéressante à observer.

Keishi : Patience. Si tu as faim, c'est bientôt prêt... *il lui lança quand même un regard comme pour ajouter "donc tu n'es pas obligée de rester collée à moi", mais lorsqu'il se tournait vers elle, il remarqua qu'elle était en serviette* Ah, évidemment sans autre vêtement ça va être compliqué... Il va falloir demander à Saya de t'aider à te refaire toute une garde-robe. *il soupira, et baissa le feu de cuisson avant de se diriger dans la chambre, et d'en ressortir avec une chemise propre* En attendant porte ça, je pense qu'elle sera assez longue pour te tenir chaud... c'est toujours mieux que rien. Par contre, désolé mais les pantalons vont probablement être beaucoup trop grands pour que ce soit confortable…

Rikô : ... *elle hocha la tête*

Keishi : Tu veux pas que je t'habille aussi ? *il lui passa la chemise et la poussa vers la chambre avant de refermer la porte*... Je sens que les prochains jours vont être vraiment compliqués...

    Je mis un petit moment avant de m'en remettre et de comprendre où il voulait en venir. Je fixais la chemise de longues secondes, puis, probablement par réflexe, je me mis à la rapprocher de mon visage pour en renifler l'odeur.

Rikô : !!!! *elle lança la chemise sur le lit, le visage écarlate* “Qu-qu'est-ce qui me prend ??? Voilà que j'agis comme une perverse psychopathe !! C'est pas mon genre !... N’empêche que ça sent vraiment bon... Je me demande si je vais pas plutôt rester en serviette... mais il va probablement me la faire porter de force”... Je ferai mieux d'éviter ce genre de situation”...

    Je finis par me changer. Les manches étaient évidemment trop longues, mais facilement retroussables. Quant à la longueur, ça cachait pile-poil ce qu'il fallait. Disons qu'en attendant, ça fera parfaitement l'affaire.

    Lorsque je sortis de la chambre, la table était déjà parfaitement installée, et le plat semblait être prêt.

Keishi : *il se retourna*... C'est quand même mieux comme ça.

    Attirée par l'odeur alléchante du plat, je n'avais pas attendu longtemps avant de m'asseoir à table. Il me servit une assiette que je fixais, l'eau à la bouche. Je n'avais qu'une hâte, c'était de goûter ce qu'il avait préparé ! Impossible de savoir ce que c'était exactement, mais l'odeur appétissante m'invitait à goûter sans poser la moindre question. J'attendis quand même qu'il s'installe et se serve lui-même avant de m'attaquer à mon assiette telle une bête vorace. Cependant, c'est seulement après trois-quatre bouchées que je compris mon erreur. Le visage écarlate, je m'empressai de remplir mon verre d'eau et de boire cul-sec à maintes reprises.

Rikô : "E... E... Épicé !! "

Keishi : ...Kh... Tu n'as pas l'air de bien supporter la cuisine locale...

 

 

Rikô : (Je rêve où il vient de rire à l’instant?)

Keishi : Et dire que j'ai fait en sorte de ne pas trop épicer, ne connaissant pas tes goûts... la prochaine fois j'en mettrais peut-être un peu... *elle continua à manger gaiement les larmes aux yeux et le visage cramoisi, et lui tendit son assiette l'air d'en redemander*... est-ce que par hasard tu serais pas un peu maso ??

Rikô : "C'est vraiment très bon !! J'en veux encore !! ♥ "

 

    Une fois le repas terminé, nous passâmes plusieurs heures le nez dans les bouquins. Je pris mon mal en patience, car la lecture loin d'être ma passion, d’autant plus qu’il s’agissait, visiblement, des livres d’apprentissage pour enfants... Mais probablement touchée par l'effort et le temps qu'il m'accordait malgré sa précédente réticence à me prendre sous son aile, je fis l'effort de rester attentive pour... pour...

Keishi : … J'y crois pas, elle s'est carrément endormie sur son bouquin.... *il souffla légèrement et se leva de table pour la porter jusqu'à la chambre* Bon, j'imagine que je suis bon pour m'installer sur le canapé, encore une fois… j’en aurai profité que quelques cycles... *il l'installa confortablement sur le lit avant de refermer la porte*

Rikô : ".... Hmmm … c'est bon... je sais mettre une chemise toute seule…"

Chapitre 3

Chapitre 4 

15e Hortea - Cycle 962

    Treize jours s’étaient écoulés depuis mon arrivée chez Keishi. Rien de bien palpitant ne s'était passé durant ce laps de temps, mis à part avoir le nez dans les bouquins et apprendre... apprendre... et encore apprendre. Une dizaine de jours était largement suffisante pour apprendre les bases. Les livres pour enfants étaient très bien expliqués, et j’avais d’origine une très bonne faculté d’apprentissage. J'aurai pu lui dire de s'arrêter ou de calmer le pas. Mais étrangement, je n'ai pas su l'en empêcher. J'appréciais l'attention qu'il me portait durant ces moments, tellement que je lui faisais croire que je ne comprenais pas ce qu’il me disait, ou du moins pas entièrement. Actuellement, j'arrivais réellement à comprendre ce que l'on me disait, peut-être un peu moins à parler la langue, mais mon passe-temps favori était de répondre dans "ma langue que personne ne comprend", c'était bien plus drôle de cette manière. Ça avait le don de l'énerver, et je ne me gênais pas pour en profiter. Blague à part, parmi ces livres pour enfants se trouvaient des manuels scolaires d’Histoire, afin de me familiariser avec ce monde et son fonctionnement.

 

    Le monde dans lequel j’avais atterri portait le nom de “Vallah”, et je me situais plus précisément à Kodinji, capitale de l’une des grandes puissances mondiales, le pays de Trahn’Ôr. Keishi m’expliquait que les tensions géopolitiques entre certains pays, dont le nôtre, étaient extrêmement présentes malgré les apparences. D’où l’existence de groupes de militaires comme lui, utilisant leurs Spiria au profit de l’Etat afin de garantir la sécurité physique, et surtout morale de son peuple.

En ce qui concernait la technologie, autant dire que comparée à mon monde, celle de Trahn’Ôr était plutôt arriérée. Le téléphone, les ordinateurs, et même l'électricité, autant les oublier. Keishi m’avait déjà enseigné que le Spiria était quelque chose que tout être vivant possédait, mais que beaucoup ignoraient son existence. De ce fait, les gens normaux avaient recours aux réactions chimiques dans la majorité de leurs tâches quotidiennes. Chauffer sa maison, allumer la lumière, cuisiner… Tout fonctionnait avec ce qu’ils appelaient “l’alchimie”. Concernant Keishi, son Spiria de foudre était plutôt pratique pour toutes ces tâches, ce qui l’empêchait d’avoir la contrainte d’aller acheter les ingrédients nécessaires aux réactions chimiques. Tout son appartement avait été conçu sur mesure pour fonctionner grâce à ce pouvoir. D’ailleurs, je n’osais même pas imaginer le prix de toute cette installation...  

 

    En résumé, j’ai passé ces derniers jours le nez dans les bouquins, mais aujourd'hui j'avais comme l'impression qu'on allait bouger un petit peu. Ce matin, Keishi s'était levé encore plus tôt que d'habitude, tout en restant trois quarts d'heure dans la salle de bain... à se demander qui était la fille dans l’appartement ! D'ailleurs, en parlant de filles... plus les jours passaient et plus je me sentais... observée par cette folle furieuse de voisine ! En me jetant son pire regard noir en stock, qui plus est. Je devrais peut-être prendre peur mais, au contraire, la situation m'éclatait. Je la trouvais bizarrement trop proche de Keishi, et lui, visiblement, ne lui portait pas plus d’intérêt que cela. Alors pourquoi la laisser continuer d'espérer ? C'était tellement drôle de la laisser se faire des idées, même si, inconsciemment, Keishi avait le don de s'enfoncer tout seul sans même s'en rendre compte...

    Une fois sorti et enfin prêt, il me fixa du regard.

 

 

Keishi : Et bien qu'est-ce que tu attends ? C'est aujourd'hui...

Rikô : ... *elle hocha la tête* De ?

Keishi : Ne me dis pas que tu as oublié... Sohji est passé hier mettre une pagaille pas possible... et (accessoirement) pour demander des nouvelles des jumeaux car il s'inquiétait de ne plus croiser Tako depuis un long moment...

 

 

    Ah... les fameux jumeaux. J'en entends très souvent parler. Il faut dire qu'ils ont une place toute particulière dans sa vie. Il n'y a qu'à voir la photo qu'il avait discrètement cachée dans la chambre pour comprendre qu'il est comme un père pour eux. Lorsque je lui ai posé la question, il m'a répondu sans hésitation. Keishi les aurait donc recueillis lors d'une mission où tout un village aurait été rasé par les flammes, alors qu’ils n’avaient que 10 ans. Et depuis, il est leur tuteur officiel, comme un père. Pour la suite, il n'a pas voulu entrer dans les détails... mais il semblerait que les jumeaux ont eu la soudaine obligation de quitter la ville, et de s'installer ailleurs, loin du centre, mais assez proche pour garder un œil sur eux. Je ne comprends pas bien la situation, mais c'est visiblement la politique étrange de ce monde qui veut que. Je n’avais pas cherché pas à comprendre davantage. Rien que le fait de parler de la Régente me donne de l'urticaire...

 

Rikô : C'est aujourd'hui !!! *elle se déshabilla instantanément, et courut dans la chambre en jetant ses vêtements qui atterrissaient sur la tête de Keishi*

Keishi : .... Oui, c'est aujourd'hui... *il lui relança ses vêtements* et RANGE avant de partir !

Rikô : "C'est pour ça que tu restes aussi longtemps dans la salle de bain... ?"

Keishi : Dépêches toi, ou je m'en vais sans toi... *il ouvrit la porte, et en un instant Rikô termina de se préparer, de ranger et partit le rejoindre alors qu'il était déjà en bas de la rue*

 

 

    Après avoir couru je le suivis, empruntant un chemin totalement à l'opposé du centre-ville, un endroit encore inconnu pour moi. J'essayais de placer un mot ou deux, histoire de combler le blanc entre nous, mais il semblait perdu dans ses pensées. Comme s'il ressassait des événements passés et qu'il ne pouvait s'en défaire. Plus on avançait et plus les habitations se faisaient rares, de même pour la végétation. Au vu du paysage qui se dessinait, on devait se rapprocher des montagnes.

    On finit par arriver devant une vieille maison, la seule et unique des environs, qui à première vue semblait même abandonnée. Impossible d'imaginer quelqu'un vivre là-dedans.

 

Rikô : C'est ici ?

Keishi : ...

 

    C'était dans le même silence que Keishi s'approcha de l’entrée et toqua. Et après quelques secondes, le grincement de la porte me fit sursauter, et quelqu'un ouvrit la porte. Je m'attendais presque à tomber sur une vieille femme ou une sorcière... cependant une lueur bleue vint m'éblouir agréablement le regard.

    Derrière la porte se dessinait timidement une silhouette féminine, une jeune adolescente pas beaucoup plus jeune que moi. De longs cheveux bleus encadraient son doux visage orné d’un joli regard azur. Elle portait une robe inspirée des tenues traditionnelles du pays, ajustée à la taille par un serre-taille brun.

    D'abord méfiante, son regard s'émerveilla lorsqu’elle reconnut Keishi. Elle se jeta sans plus attendre dans ses bras comme si ça faisait des mois qu'ils ne s'étaient pas revus... Et ce fut à ce moment précis que je compris la raison pour laquelle cette jeune fille portait un serre-taille et non un corset comme moi... C'était proportionnellement IMPOSSIBLE !    

Avec dégoût, je fixais la poitrine imposante de la jeune fille s'écraser contre le torse de Keishi, devant le regard blasé habituel de ce dernier. Mais aussitôt, cette dernière fit un bond en arrière, le visage écarlate, se cachant instinctivement la poitrine en enchaînant les excuses.

 

    J'aurais très bien pu croire qu'elle l'avait fait exprès, comme cette allumeuse de voisine aurait très bien pu le faire, mais cette fille-là dégageait une aura... innocente ? Quand on l’observait bien, on pouvait comprendre qu'elle n’était pas du tout à l'aise avec son corps. En même temps, il y avait de quoi... on y rentrait facilement trois fois la taille de ma poitrine dans sa robe. 

    Désespérant... ma fierté féminine en prit un coup....

 

Keishi : Hana... pourquoi tu t'excuses ? C’est plutôt rare de te voir aussi expressive... mais il est vrai qu'après presque 4 ans de vie commune, nous séparer quelques mois a dû te faire un choc...

Hana : *elle rougit* C'est-c'est pas ça !! C'est que... Non, laisse tomber, je pense pas que tu puisses comprendre...

Keishi : *il hocha la tête*... en tout cas, tu as l'air en forme de ton côté. Qu'en est-il de Tako ?

Hana : ... *son visage s'attrista brusquement* Ça ne s'est pas amélioré... depuis le nouvel incident et notre "exil" il n'a jamais mis le nez dehors, ne serait-ce que pour faire les courses... il refuse de voir qui que ce soit... Je lui ai même demandé de venir te voir mais il ne voulait pas. Je suis désolée si je ne suis pas passée depuis ce jour-là, mais tu connais Tako... rien que sortir pour acheter à manger et le laisser seul me donne la boule au ventre. Sans compter la Régente qui me force à aller faire certaines missions...

Keishi : Tu n'as pas à t'excuser. C'était pas évident pour moi non plus de venir vous voir avant... d'abord à cause des missions et ensuite... *il tourna son regard vers Rikô pour que Hana le suive*

Hana : .... Qui est-ce ??

Keishi : Comme tu peux le voir, vous n'êtes pas les seuls contre qui la Régente a une dent...

 

    Je m'approchais d'Hana avec un sourire bien forcé, en prenant bien soin de parler "comme un robot" à côté de Keishi. Il ne faudrait pas qu'il se rende compte que je sais déjà tenir une bonne conversation avec quelqu'un. Ce ne serait pas drôle...

 

Rikô : Moi Rikô, fille étrangère, vit chez Kitshi ! Enchantée !

Hana : … *son visage vira à l'écarlate et elle en perdit presque la faculté de parler* "Ki-tshi" ?? Cette femme vit avec toi ? Mais... ça-ça veut dire que tous les deux vous.... vous...

Keishi : Hein ??.... Qu'est-ce que tu vas t'imaginer ?

Hana : Dé-désolée !! Mais c'est normal que tu en profites ! C'est de notre faute ! C'est parce qu'on vivait avec toi que tu pouvais difficilement te trouver une femme !!

Keishi : Hana....

Hana : Il faut absolument que Tako le sache !! Tako !! *elle monta les escaliers en courant pour aller le chercher*

Keishi : ... Trop tard, on l'a perdu... *il se tourna vers Rikô qui est aussi écarlate que Hana*

Rikô : “Sa... femme”...

Keishi : *il entra dans la maison abandonnant toute idée de la raisonner*

 

  Après quelques secondes, je repris conscience et les suivis. Je me rendis compte qu'en fait l'intérieur était très bien entretenu, comparé à l'image que la maison donnait de l'extérieur. C'était assez vieillot mais tout était propre et ordonné. En même temps avec un tuteur comme Keishi, ils avaient tout intérêt à l'être...

 

Hana : *elle ouvrit la porte de la chambre * Tako !! Réveille-toi ! Regarde qui est venu nous rendre visite !!

Keishi : ...

 

    J'arrivais à leur niveau, et je pus voir... le désastre de cette chambre ! On aurait dit qu'une tornade était entrée dans la pièce pour tout saccager. Des dizaines de bouquins traînaient par terre, accompagnées d’emballages plastiques, de vaisselles sales etc.… avant même de me tourner vers Keishi, je me demandais à quel moment il allait tomber d'une crise cardiaque.

Malgré tout, il ne me semblait pas voir de présence humaine...

 

Hana : … Tako... ? c'est encore pire que ce que je pensais.... *son visage d'ange étincelant se transforma soudainement* TAKO !!! Je peux savoir ce que ça signifie ???

 

    Probablement à cause de la soudaine agressivité de Hana, on entendit un fracas au niveau du lit avant de voir Tako sortir de sous le lit, une jolie bosse à la tête, complètement paniqué.

    C'était avec surprise que je fis la connaissance du deuxième jumeau. Comme je l'avais constaté sur le portrait d’eux qui ornait le salon de Keishi, il n'y avait vraiment aucune ressemblance physique flagrante entre les deux. Moi qui pensait que ce serait amusant de voir deux vrais jumeaux en chair et en os...

    En face de moi se tenait donc un jeune homme brun aux cheveux longs, ébouriffés dans tous les sens, certainement dû à son réveil un peu précipité...Un poil plus petit que sa sœur, il était habillé d'un simple t-shirt surmonté d’une veste sans manches, et d’un pantalon brun ordinaire. Sa tenue était parfaitement classique pour des vêtements d’intérieur, si ce n’étaient l’écharpe passée autour de son cou et les mitaines rouge vif qu’il portait.  Mais après tout, pourquoi pas ?

 

 

 

Tako : Quoi-quoi ? Qu'est-ce qu’il se passe ? (aie-aie-aie....)

Hana : C'est pas possible... Keishi trouve du temps pour nous rendre visite et toi tu préfères rester enfermé dans ta chambre en pleine pénombre ! *elle chuchota* Et je préfère même pas savoir comment tu as atterri sous le lit...

Tako : ...Keishi ?!! *il se raidit soudainement en tournant le regard dans tous les sens et en agitant ses bras comme si ça pouvait tout cacher* K-k-k-k-keishii ! ça faisait longtemps !!!

Keishi : *il résista entre l'envie de tout nettoyer ou de le jeter par la fenêtre* Et bien, ça n'a pas changé à ce que je vois...

Tako : *gloups* C'est... c'est-à-dire que... que...

Keishi : Tu ne t'en sortiras pas comme ça... Il suffit que je te laisse quelques décans pour que tu en arrives là ?

Tako : !!!! D-désolé !! Je te promets que je serais plus aussi négligent et que je ferais attention à ma chambre !!

Rikô : Quelle autorité...

Keishi : Je ne te parle pas de ça !! Bien que... Il est vrai que je n'ai peut-être pas eu le temps de venir vous voir depuis que vous avez emménagé ici, mais ce n'est pas pour autant que je ne fais pas attention à vous ! C'est bien pour ça que j'ai demandé à Sohji de garder un œil sur vous pendant mes absences...

Tako : …*il baissa la tête sans rien dire*

Hana : Tako...

Keishi : Alors comme ça tu baisses les bras ? Je te pensais beaucoup plus combatif que ça ! Où est passé l'abruti qui sourit même après être tombé des dizaines de fois d'une falaise pour monter au sommet ? Celui qui ne dramatise jamais sur son passé ? Celui qui...

Tako : Cet “abruti”, comme tu dis, il a éradiqué tout un village et tué des centaines d'habitants !!! Et il a bien failli refaire la même erreur une seconde fois !!!

Rikô : ...Quoi… ?

Tako : Il a bien failli vous tuer vous aussi !!! Et en plus, à cause de cet abruti tu... "aïe" !!! *il sursauta soudainement, Keishi lui avait envoyé une légère décharge désagréable*

Keishi : Stop !!  Pas un mot de plus... Pour commencer, tu n'es pas responsable de ce qui s'est passé il y a 6 ans, ni même dernièrement, et tu le sais très bien !! Ensuite, arrête de croire que je tenais à mon rang de Grymm plus qu'à vous deux !!

Tako : Keishi...

Hana : ... Je devrais le lui dire... mais...

Rikô : ... *spectatrice de cette lourde ambiance, elle ne trouva rien de mieux à faire que de prendre Tako dans ses bras derrière son dos*

Tako : !!!!! Qu-qu'est ce que !!!

Rikô : Vous êtes une "famille" non ?? Une famille ne doit jamais se disputer comme vous le faites ! Soyez heureux de pouvoir vous voir et d’être réunis comme vous l'êtes en ce moment !! … Car ce n'est pas le cas de tout le monde ! Bande d’abrutis ! *elle relâcha Tako et sortit brutalement de la maison *

Tako : !!! Hey !!...

Hana : Bravo. Vous avez fait pleurer la seule et unique femme que Keishi a pu avoir...

Tako : ... QUOI ?

Keishi : *il se frotta la tête* Qu'est-ce qui m'a pris ? Je l'avais complètement oublié... je n'aurais pas dû hurler comme je l'ai fait devant elle...

Tako : Non mais attend... Keishi a une f... !!! *il se fit interrompre par un poing de Keishi au-dessus de la tête, juste assez fort pour lui faire mal*

Keishi : C'est un gros malentendu !! C'est la Régente qui, après votre départ, a décidé de me fourguer cette fille étrangère chez moi pour un temps indéterminé.

Hana : Mais alors... elle n'est vraiment pas...

Keishi : Bien sûr que non ! Raah ! Pourquoi est-ce que tout le monde a la même réaction quand on me voit avec elle ? Ce n’est quand même pas la première fois que je suis avec une fille !

Hana : Si tu parles de Saya qui n'a qu'un seul rêve : d'arracher ton œil pour le disséquer...

Tako : Ou de la furie Grymm qui frappe tout ce qui passe...

Tako/Hana : Aucune chance qu’il se passe quelque chose avec elles !

Keishi : ...

Hana : N'empêche que... son intervention de tout à l'heure a vachement apaisé la tension...

Tako : Quand elle m'a pris dans ses bras... je me suis senti bien. C'était pas juste une réaction pour qu'on arrête de nous disputer.

Hana : Elle parlait assez maladroitement... mais elle parlait de "famille". Peut-être qu'elle a pris notre dispute pour une attaque personnelle...

Keishi : ... Me regardez pas comme ça, j'en sais rien ! J'en suis à peine à son apprentissage de la langue locale. Comment je pourrais connaître sa vie personnelle...Elle n'avait qu'à pas réagir aussi excessivement et nous le dire !

Hana : Toujours aussi peu doué avec les gens...

Keishi : Pardon ?

Tako : Il faut qu'on la retrouve !! *il courut la chercher*

Keishi : Tako !!! Tsss il est pas possible ce sale gosse !!

Hana : Mine de rien, cette fille... d'une quelconque façon, elle a réussi à le faire sortir dehors volontairement !

Keishi : ... C'est parce qu'il est trop gentil avec les autres.

Hana : Tu n'as pas à t'en vouloir d'avoir haussé le ton... je pense que ça lui a fait aussi du bien, de voir que ses actions inquiètent l'homme qu'il admire le plus, ça l'a boosté pour s'en remettre encore plus vite.

Keishi : ... J'imagine que la personne qui est le plus apte à le comprendre c'est bien sa jumelle.

Hana : *elle marmonna* Et la personne la moins apte à comprendre les gens c'est toi...

Keishi : Hum ?

Hana : On devrait les suivre ! Avec la "chance" de Tako, j'ose même pas imaginer dans quelle autre situation il peut embarquer l'étrangère...

Keishi : … Sans plus tarder !! *ils partirent à leur poursuite*

 

    Idiots... Les gens sont tous des idiots !! Lorsqu'ils ont la chance d'avoir une famille, ils ne trouvent rien de mieux à faire que de se disputer !! Ok, je ne connais pas leurs histoires, les sujets abordés avaient l'air assez graves, mais ils sont réunis, EUX ! J'aurais donné n'importe quoi pour avoir un moment comme le leur avec mes parents ! Ils ne se rendent pas compte de la chance qu'ils ont ! De toute manière, il faut croire que les gens ne pleurent qu'une fois que tout est perdu …

 

Tako : Hey !!

Rikô : !!! *elle se retourna et vit Tako lui courir après* Qu'est-ce que...

Tako : *il se prit une racine d'arbre dans les pieds et s'affale par terre*

Rikô : !!! T-Tako ?!!

Tako : Tu-tu es enfin là...

Rikô : !!! Tu-tu saignes...

Tako : ??... Oh c'est rien, je suis habitué !

Rikô : *elle sortit un mouchoir et lui essuya le visage* Je sais bien que vous êtes tous maso dans ce pays, mais c'est pas une raison !

Tako : *il rougit*... Hahaha merci ! Tu devrais utiliser un de ces mouchoirs pour... *il fixa Rikô qui avait encore les yeux aux bords des larmes*

Rikô : !!! *elle s'essuya maladroitement les yeux avec le bras* J'en ai pas besoin !!

Tako : Désolé de t'avoir impliquée dans nos disputes... c'était impoli de notre part.

Rikô : ... Et moi je n'aurais pas dû partir comme ça...

Tako : ... Quel est ton nom ?

Rikô : ... Rikô...

Tako : *il attrapa ses mains* Enchanté Rikô ! Moi, c'est Tako ! Tu sais, si on se dispute c'est pas pour autant qu'on se déteste, c'est presque notre façon à nous de nous aimer... Et puis tu sais, si tu le veux, tu peux aussi faire partie de notre “famille” ! *il sourit le plus gentiment du monde*

Rikô : *elle rougit * Je... qu'est-ce que tu...

Tako : …. *il lâcha subitement les mains de Rikô, le visage écarlate, en agitant les bras dans tous les sens* D-désolé, c'était un peu déplacé de ma part de te toucher comme ça !! Je ne suis pas un pervers, rassure-toi !!! Je voulais juste-juste...

 

Rikô : *elle se mit à avoir un fou rire nerveux* Tu-tu es exactement comme Keishi me l’a décrit... je pensais pas que c'était aussi flagrant !!

Tako : Eh ?...

Rikô : Merci... *elle lui sourit* Tu es vraiment quelqu'un de gentil !

     Je lui ai ensuite raconté plus ou moins qui j'étais, comment j’étais arrivé ici... lui m’a parlé de diverses situations plus ou moins gênantes à propos de Keishi. Tout s'est fait très naturellement. On a bien dû parler des heures comme ça.

A ce moment que je me suis rendu compte à quel point mon apprentissage de la langue portait ses fruits. Je ne pensais pas arriver à parler avec une telle facilité aussi rapidement. La nuit commençait à tomber et on on reprit le chemin du retour, lorsqu'on se retrouva nez à nez avec Keishi et Hana qui semblaient nous chercher, complètement exténués... Pendant qu'on passait notre temps à rire, eux ont dû passer un sale moment à nous chercher partout...

Hana : Tako.... Alors que je me faisais un sang d'encre, toi tu....

Tako : *gloups* Oops, sauve qui peut... !!! *course poursuite entre les deux jumeaux*

Keishi : J'avais presque réussi à m'inquiéter pour vous...

Rikô :  "Tu t'es carrément inquiétée oui"

Keishi : Hein ?

Rikô : Non rien. ♥

Keishi : ... Tu pourrais arrêter de parler dans ta langue ? Avant de t’enfuir, tu parlais exceptionnellement bien. On pourrait croire que tu le fais exprès...

Rikô : "C'est pas vrai ! Et puis c'est pas comme si je connaissais maintenant des choses gênantes à ton sujet !!... Et tes points faibles..."

Keishi : C'est quoi ce sourire sournois... ?

 

    Faîtes que ce "rêve" ne s'arrête jamais. Je veux continuer à vivre avec ma nouvelle "famille"...

Chapitre 4

Chapitre 5

24e Reila - Cycle 962

 

 

    Ce jour-là, Keishi semblait particulièrement vigilant à mon égard.

 

*FLASH BACK*

Keishi : Aujourd'hui, je dois aller au centre-ville renouveler mes armes dans la boutique spécialement conçue pour les Gatai... Evidemment, je ne peux pas te laisser enfermée ici (avec la Régente je peux m'attendre à tout en mon absence...). Donc tu viens avec moi, mais à une seule condition : sois sage et fais-toi discrète ! Les Gatai ne sont pas n'importe qui, donc ne te fais pas remarquer, sinon je sais pas ce que tu vas devenir...

*FLASH BACK OFF*

    Ça semblait vraiment sérieux... Je savais de quoi était capable la Régente, j'en avais eu la douloureuse expérience. Je pris donc la décision de me comporter de manière exemplaire, bien que l’envie de faire un petit écart me venait souvent en tête à certaines occasions… Non, je vais résister ! Hmmm ces fruits ont l’air délicieux, je me demande quel goût ils ont… NON !! Et ces bijoux ! Qu’ils sont jolis !! … NON !! Je ne bougerai pas !! Je peux le faire !!

 

 

Keishi : … C’est moi ou… tu es vraiment en train de trembler parce que tu te retiens de vagabonder ?

Rikô : !!! P-pas du tout ! "Qu’est-ce que tu vas t’imaginer !"  J’ai juste un peu froid !

Keishi : Tu veux ma veste ?

Rikô : Non, ça va aller !

Keishi : … *il murmura* Qu’est-ce qu’elle a encore ? …

​​

    C’était pire que de la tentation !! Heureusement, la fameuse boutique n’était plus très loin. De plus nous devions traverser plusieurs ruelles étroites et désertes. Si je n'étais pas venue accompagnée j'aurais presque trouvé l'endroit inquiétant, à y croiser seulement deux trois personnes attendant contre le mur avec un regard insistant... D'ailleurs, l'un d'eux ne m'avait vraiment pas lâché du regard. Un homme à peine plus âgé que moi, aux longs cheveux d'un bleu azur, avec un regard et un sourire aguicheur. Il était plutôt bel homme, tellement que je n'étais pas arrivée à le lâcher du regard. Je continuais néanmoins à avancer, en pressant le pas pour me mettre à la même vitesse que Keishi, qui ne semblait pas aussi à l'aise qu'il voulait le laisser paraître.

    Nous avons fini par arriver devant une vieille boutique, à peine visible : impossible de la trouver sans connaître son emplacement exact à l'avance. De plus, en la comparant aux belles vitrines de tout à l'heure, celle-ci semblait venir d'un autre espace-temps, un temps bien plus ancien...

    Keishi ouvrit la porte en me faisant signe de la tête de le suivre, son regard suffisait à me faire comprendre de ne pas faire de gaffes à partir de maintenant. C'était donc d'un pas hésitant que je le suivis, et quelle fut ma surprise de constater que la boutique n'était pas aussi petite et délabrée qu'elle en avait l'air depuis l’extérieur. En effet les rayons n'étaient pas très larges, mais elle était aménagée tout en longueur, ce qui laissait un énorme choix d'armes en tout genre. Épées, haches, lances, arcs, tout ce qui était indispensable au combat semblait être disponible. Keishi, lui, se dirigeait vers le vendeur en lui présentant un papier. Un grand homme, assez imposant, qui pourrait faire peur au premier abord.

 

Keishi : Je viens chercher ma commande.

Vendeur : Ponctuel, comme toujours. Je vais vous chercher ça de suite.

    En attendant, je ne pouvais m’empêcher de tourner mon regard vers tout ce qui m'entourait, et je finis par m'éloigner inconsciemment de Keishi pour faire un tour de la boutique. Dans mon monde, le port d'arme était majoritairement illégal. C'était donc la première fois que j'approchais autre chose que mon vieux sabre en bois du club de Battodo. Je me dirigeais d'ailleurs instinctivement vers les sabres de la boutique. Devant moi, reposaient des dizaines de lames toutes aussi belles et aiguisées les unes que les autres : une vision idyllique. Elles avaient toutes l'air d'être fabriquées à la main, comme toutes les autres armes de la boutique. Chacune avait sa particularité esthétique. Comme si chaque arme attendait son manieur. Et si moi aussi j'avais le droit de porter une arme ? Après tout, dans ce monde je n'avais aucun moyen de me défendre. Hors de question de ne compter que sur la présence de Keishi pour me protéger - bien que ce n'était pas si déplaisant que ça.  Il me fallait quelque chose !

    Je tournais le regard à la recherche de quelqu'un pouvant me guider, mais j'étais seule dans le rayon. L'envie folle d'en tenir un dans mes mains commençait à grandir dangereusement. Non, il ne fallait pas... Roh juste une fois !

​​

Vendeur : Et voilà, j'ai fini de les forger la veille. J'espère qu'elles te conviendront ! Elles sont facilement maniables, comme tu me l'avais demandé ! Bien que je trouve les lames beaucoup trop petites pour du combat rapproché...

    Le vendeur posa un plateau en bois sur le comptoir, présentant fièrement deux belles double-dagues rabattables, chacune ornée d'une pierre bleue. Keishi ne perdit pas un instant avant d'en prendre une en main et de la manier agilement afin de la tester, laissant traverser son Spiria de foudre le long des lames pour les allonger à volonté, devant les yeux stupéfaits du vendeur.

Keishi : C'est parfait... c'est exactement ce que je voulais. Comme toujours je sais que je peux compter sur toi.

Vendeur : Hahaha ! Arrête, tu vas me faire rougir !! Bien sûr qu'elles sont parfaites je n'en doutais pas une seule seconde ! Je reste le meilleur forgeron de tout le continent, si ce n'est du monde !!

Keishi : Les chevilles n'ont toujours pas dégonflé à ce que je vois... au fait, comment va-t-on procéder pour le paiem… !!! *la discussion fut interrompue par un grand fracas dans la boutique... quand il se retournait il remarqua au loin Rikô ensevelie par des dizaines d'armes, et lui lança un regard noir* C'est pas vrai....

Rikô : Aïe aïe...

Vendeur : *il courut vers Rikô un peu paniqué, un deuxième vendeur à ses côtés* M-mes armes !! Mais qu'est-ce qui vous prend ?? Il est interdit de toucher aux armes sans l'aide d'un vendeur ! Comment j'aurais fait si vous vous étiez blessée ??

Rikô : Je...enfin...je ne pensais pas que...

Keishi : Je m'excuse, cette fille est venue avec moi. Je lui avais pourtant dit de se tenir tranquille... *il lança un regard noir vers Rikô qui détournait le sien, complètement gênée. Et alors qu'il attendait que le vendeur le sermonne, ce dernier laissa échapper un fou rire nerveux*

Vendeur : HAHAHAHAHAHA !! Mais si c'est la copine de Keishi ça change tout !! *il lança un regard sadique vers Keishi* Dis-moi si elle a eu le malheur d’abîmer la moindre petite lame je te l'ajoute à ta facture ♥

Keishi : Rapiat....

Rikô : Je... désolée... je voulais pas...

Vendeur : *il tendit sa main pour l'aider à se relever* C'est bien joli, mais qui est-ce qui va ranger tout ça maintenant hein ?

Rikô : !!! B-bien sûr je vais le faire !! *dans la précipitation, elle commença à prendre plusieurs armes dans ses bras et à les passer au deuxième vendeur, chargé de les remettre convenablement en place*

Vendeur : C'est rare que tu nous ramènes une fille dis donc… En tout cas, c'est moi ou tu as le don pour attirer les gens maladroits ? Il y a quelques années c'était ton petit protégé qui avait saccagé ma boutique...

Keishi : Je me demande quelquefois si je le fais exprès...

Rikô : *elle tendit le bras pour attraper la dernière arme au sol, un sabre encore dans son fourreau, et le fixa longuement, jusqu'à ce que le vendeur haussa la voix*

Vendeur : Dis-moi qu'il n'est pas abîmé !!! Pas celui-là !!

Rikô : Non, il est intact... il est magnifique...

Vendeur : N'est-ce pas ?? Même si ce n’est pas moi qui l’ai forgé, je ne peux nier que c'est une très belle pièce !! C'est un fourreau qui date de plusieurs siècles. Il aurait appartenu à un ancien clan aujourd'hui disparu, maîtrisant le vent à la perfection !

Rikô : Et le sabre ne se dégaine pas ?

Vendeur 2 : Ce n'est qu'un fourreau, rien ne dit qu'il renferme une lame. Personne n'a jamais réussi à l'enlever.

Vendeur : Seul un membre de ce clan serait capable de sortir le sabre de ce fourreau !! C'est un sabre officiel, ne doute pas de ma collection !!

Vendeur 2 : C'est bien beau mais en attendant ce "sabre" est invendable car inutilisable...

Vendeur : Il n'est pas à vendre !!

Keishi : Ça c'est surtout parce qu'il ne peut pas être vendu...

Rikô : “J'aimerais vraiment voir à quoi ressemble cette lame …”

Vendeur 2 : Évidemment qu’il ne peut être vendu ! La lame est scellée. Enfin, c’est ce qu’on raconte. Je suis sûr que c’est juste une vieille camelote !

 

    Sans écouter les remarques sarcastiques du vendeur, j’observais le fourreau dans les moindres détails. Je me sentais comme hypnotisée par cet objet inconnu. Instinctivement, je posai ma seconde main sur le fourreau, prête à le dégainer.

    Et sans forcer le moins du monde, le fourreau s’éloigna lentement du manche, laissant apparaître une lame brillante ornée d’une écriture dorée. Elle était si belle qu’elle donnait l’impression d’avoir été forgée à l’instant, si ce n’est qu’elle n’était pas complète : il en manquait quelques parties par endroit.

 

    Admirant cette beauté je m’apprêtais à poser diverses questions aux vendeurs. Mais, lorsque je relevais la tête, ces derniers affichaient un air tellement abasourdi que je n’osais plus sortir le moindre mot. Comme si quelque chose d’incroyable venait de se produire. Même Keishi habituellement impassible laissait clairement apparaître un regard stupéfait.

Rikô : … Bah quoi ?

Vendeur : Que… que… qui es-tu ??

Keishi : Tout à l’heure… non je ne peux pas me tromper…

Rikô : … “Vous en faites une tête !! Je n’ai rien fait d’extraordinaire ! Je sais même pas comment vous n’avez pas pu réussir à le dégainer, il n’était même pas coincé !”

Vendeur : …JE LE SAVAIS !!! *il attrapa le sabre, des étoiles pleins les yeux* Je savais que c’était une mine d’or !! Personne ne me croyait quand je leur disais que c’était un sabre authentique, mais j’en étais sûr !! *il lança un regard machiavélique vers le deuxième vendeur toujours sous le choc*

Vendeur 2 : …Réfléchis, s’il était vraiment AUTHENTIQUE ça voudrait dire que cette fille ferait partie de cet ancien clan… Or, est-ce qu’elle a l’air d’avoir plus de deux siècles ?

Vendeur : Mauvaise langue !! C’en est peut-être une héritière sans le savoir… *tous les regards se tournèrent vers Rikô, un peu gênée*

Rikô : “J’ai vraiment du mal à comprendre ce qu’ils disent…”

Keishi : Ça me parait impossible… enfin, c’est vrai qu’il est difficile de savoir d’où elle vient exactement…

Vendeur : Haha ! Il y a une légende, qui dit que les membres de ce même clan auraient même eu la particularité de voyager dans différents mondes…

Keishi : Voyager entre les mondes ?...

Vendeur 2 : Vous êtes sérieux ? Vous croyez vraiment que ce serait possible ?

Vendeur : Hahahaha !! Pas le moins du monde !!

Keishi : …Combien vendez-vous ce sabre ?

Vendeur : !!!!! …Tu plaisantes j’espère ? Ce sabre n’était déjà pas à vendre initialement, il le sera encore moins à partir d’aujourd’hui !

Keishi : Tu raterais une bonne occasion de te faire de l’argent ?

Vendeur : …Je sais que, bien que radié, tu as déjà été promu en tant que Grymm, mais je ne pense vraiment pas que tu aies assez d’argent pour …

Keishi : *il posa une somme considérable d’argent sur le comptoir devant les vendeurs, presque aussi choqués que tout à l’heure* Je vous ajoute même un supplément si vous me promettez de ne dire à personne ce que vous venez de voir.

Vendeur : …Dans quoi est-ce que tu t’es fourré encore mon pauvre ami ? Tu dois vraiment être désespéré…

Keishi : Désespéré ? Au contraire…

    Keishi se tourna vers moi avec un regard bien différent de d’habitude. Auparavant il semblait m’analyser avec une certaine crainte. Comme s’il se méfiait du moindre de mes gestes. Ce regard-là était beaucoup plus expressif. Je n’arrivais pas à déterminer ce que c’était. De la curiosité ? De la joie ? De l’impatience ? Du soulagement ? Un peu de tout sûrement. En tout cas ce qui était sûr, c’est que sa précédente méfiance avait soudainement disparu. Il reprit le sabre des mains du vendeur et me le tendit en me faisant comprendre qu’il me l’offrait. Et avant même de me laisse le temps de le remercier, il enchaîna.

 

Keishi : Ça te dit de t’entraîner au combat ?

    Cette phrase sonnait comme une invitation venant de sa bouche. Lui qui d’habitude était toujours dans sa bulle, imperturbable, semblait me laisser une ouverture. Il ne m’en fallait pas plus pour lui répondre.

​​

Rikô : On commence quand ?

Chapitre 5

Chapitre 6

24e Reila - Cycle 962

    Couchée au sol, poussiéreuse et à bout de souffle, je peinais à me relever.

​​

Keishi : Allez debout, ce n'est pas terminé !

    Comment on en était arrivé là déjà ? Ah oui c'est vrai. Après être sortis de la boutique d'armes, nous avions fait un passage éclair chez Keishi avant de débuter ce fameux “entraînement”. C'était presque de la torture à ce niveau-là. Keishi ne me laissait aucun répit. J'avais cru comprendre qu'il était quelqu'un de haut placé, et qu'il avait un excellent niveau au combat, mais de mon côté je n’étais qu’une débutante. Enfin, je n'y connaissais rien moi ! Pourquoi s'acharner autant ?

Rikô : Je... ne peux pas...

Keishi : Ne dis pas n'importe quoi ! Je l'ai bien vu lorsque tu as dégainé le sabre.

Rikô : Mais vu quoi ?

Keishi : Ton Spiria, c'était flagrant !! Jusque-là il m'était impossible de l'identifier, mais lorsque tu as pris le sabre en main c'est comme si tu avais éveillé quelque chose... Et pas qu'un peu, c'était une quantité de Spiria assez conséquente pour quelqu'un qui jusque-là n'en connaissais pas l'existence !

Rikô : Je ne comprends pas ce que tu veux dire ! (il est bien bavard quand il parle de Spiria...) “Tout ce que je sais, c'est que je n'arrive plus à dégainer ce sabre !”

Keishi : Le Spiria réagit énormément à tes émotions. A la boutique tu étais tellement impatiente que tu as réussi à réveiller ton Spiria. Essaie de retrouver cette sensation.

Rikô : Et comment je suis censée faire ça ?... *Keishi sortit de sa poche l'une des dagues qu'il venait d'acquérir et la tendit vers elle * Tu vas quand même pas...

Keishi : Allez debout ! Affronte-moi comme tu l'as fait tout à l'heure ! Tu as de très bonnes bases en combat rapproché, je vais t'apprendre à ne plus baisser ta garde.

    Pourquoi prenait-il ça autant au sérieux ? Se préoccupait-il vraiment de moi ? Ou bien étais-je juste une simple curiosité pour lui ? Un être anormal qu'il fallait apprendre à connaître ? Après tout, le résultat était le même. Il daignait enfin me porter un minimum d'intérêt, et ce n'était pas désagréable. Et puis il fallait l'avouer, pour moi qui avait l'habitude de mettre à terre n'importe quel mec lors de mes anciens championnats, c'était frustrant de ne pas réussir à le toucher ne serait-ce qu'une fois. Ce sentiment d'infériorité, je ne supportais pas ça. Il fallait que je réussisse à le toucher au moins une fois !

Rikô : *elle se releva et se mit en position de combat avec un regard déterminé*

Keishi : Approche...

Rikô : *elle se lança vers Keishi le fourreau à la main, et alors qu'elle s’apprêtait à dégainer devant lui, sa main glissa sur le manche récalcitrant, et son élan lui fait perdre l’équilibre*

Keishi : *il soupira* N'essaie pas encore de dégainer ton sabre sans réfléchir, il ne sortira pas si tu ne combats pas sérieusement... Attaque moi juste avec ton fourreau comme tout à l'heure, je suis certain que tu y arriveras sans t'en rendre compte.

Rikô : ... *sans se relever, elle tenta de donner un coup vertical à Keishi, qui avait évidemment anticipé son geste et l’esquiva d'un simple pas en arrière. Et alors qu'il contre-attaquait avec sa dague, Rikô bloqua son attaque*

Keishi : Tu as vraiment de bons réflexes... qu'est ce qui se passe si j'accélère un peu le rythme... ? *il disparut aux yeux de Rikô avant de réapparaître dans son dos. Elle eut tout juste le temps de tendre son arme devant elle pour parer encore une fois son attaque, avec un sourire satisfait*

Rikô : “Ah oui, tu veux jouer à ça ?”...

    D'un geste brusque en avant je repoussais son arme de la mienne, et nous enchaînâmes les attaques et contre-attaques, dans une cadence de plus en plus rapide. Il ne se donnait pas à fond, je le savais bien, mais il ne semblait pas s'ennuyer pour autant. En y regardant de plus près, on aurait presque pu croire qu'il souriait. Improbable ! En tout cas, il me semblait qu'il prenait autant de plaisir que moi à combattre. C'était un moment privilégié, où nous étions dans notre bulle, rien que nous deux. Ça pourrait paraître absurde d'apprécier autant un moment où l'on se cogne et où l’on se blesse, oui, mais c'était exactement mon ressenti. J'ai toujours apprécié le combat et les défis. Déjà dans mon monde, il était impossible pour moi de renoncer à une idée quand elle me trottait dans la tête. Ici, enfin, je pouvais laisser s'exprimer librement mon envie de combattre et ma rage de vaincre !

    C’était dans cet esprit combatif qu’inconsciemment, je brandis mon sabre qui se dégaina juste sous le nez de Keishi. Instinctivement, il bloqua le coup avec son Spiria avant que mon arme ne le touche.

Rikô : D-d-désolée je pensais que cette fois il…

Keishi : Impressionnant… en plus le flux est vraiment stable pour une débutante…

 

Il continua à me fixer scrupuleusement, comme s’il pouvait lire en moi. C’était assez gênant comme situation.

 

Rikô : *elle rougit* T-tu sais que ça ne se fait pas de fixer les gens comme ça ?? *d’un seul mouvement de sabre, ce qu’elle voulait n’être qu’une simple attaque pour le faire se reculer, se transforma en rafale de vent* Qu-qu-qu-qu’est ce que c’était que ça ??

Keishi : Tu… Tu arrives déjà à extérioriser ton Spiria ??

Rikô : Je sais même pas comment on fait !

Keishi : Ferme les yeux… si tu te concentre comme il faut, tu devrais ressentir le flux de Spiria qui traverse tout ton corps

Rikô : … C’est un peu spirituel tout ça …

Keishi : Fais ce que je te dis !

Rikô : *elle soupira avant de fermer les yeux, et après quelques secondes de réflexion, sursauta légèrement, comme si elle se rendait compte de quelque chose* Je…je crois que je le sens …

Keishi : Maintenant visualise ce flux dans ta main…

Rikô : … *elle tendit sa main et assez rapidement une minuscule boule de vent se forma*

Keishi : *il pensa* Elle fait ça instinctivement, presque aussi bien que moi à l’époque…

Rikô : C-c’est moi qui fait ça ???

Keishi : Je suis presque jaloux …

Rikô : … *elle reprit son sabre en main en la tendant vers Keishi avec une telle détermination que son Spiria entourait naturellement son arme* Intéressant … Et ça donne quoi au combat ? *elle s’élança sur Keishi qui cette fois était obligé d'utiliser habilement sa dague pour esquiver la lame découverte ainsi que le Spiria de Rikô*

Keishi : *il pensa* Impressionnant, inconsciemment elle réussit à maîtriser assez son élément son augmenter son agilité et sa vitesse d’attaque… C’est difficile à croire que c’est la première fois de sa vie qu’elle combat réellement… Peut-être que la Régente a raison de se méfier d’elle ? …ou bien elle est tout simplement douée…

Rikô : Et si tu m’attaquais un peu plus sérieusement ? Je veux revoir cette foudre bleue !

Keishi : Pardon ? Tu plaisantes j’espère ? Ne brûle pas les étapes, tu sais peut-être bien bloquer les attaques physiques mais le Spiria c’est une autre histoire…

Rikô : Bon. Il faut que je te prouve le contraire alors… *elle se concentre et dégage une puissance assez conséquente qui surprend une nouvelle fois Keishi, si forte que sa foudre réagit spontanément à l’approche de Rikô*

Keishi : Qu’est-ce que …

Rikô : *elle sourit* Ah je préfère ça !! J’arrive !!

Keishi : !!! Non n’approche pas !!

    Sans avoir eu le temps de comprendre, je ressentis une vive douleur au bras droit. Si intense que le sabre me tomba des mains, annulant mon Spiria. C’était en fait la foudre de Keishi qui s’était abattue sur moi. L’avait-il fait volontairement ? Vu l’expression déconcertée de son visage, je ne pensais pas. Sa foudre parcourait l’intégralité de mon corps. Tétanisée par la douleur je m’écroulai au sol.

Keishi : Rikô !!!! *il courut vers elle, dépassé par la situation* Répond moi ! Rikô ?! Bon sang, pas encore… *Rikô ne répondant pas à son appel, il décida de la porter et de la conduire vers le laboratoire occupé par Saya, situé à quelques minutes de là. En chemin il surveilla minutieusement son pouls* Faites qu’elle soit encore là…

combat

    En réalité j’étais encore consciente, mais mon corps ne me répondait plus. Keishi accéléra le pas. Le visage contre son torse, je pouvais sentir ses battements de cœur irréguliers. Pour qu’un homme comme lui en arrive à paniquer à ce point c’est que mon état devait être vraiment grave… je me sens… partir…

Keishi : *il constata que le pouls de Rikô ralentissait* Bon sang… Allez plus vite… Le labo de Saya est pas loin, si je me dépêche, peut être que j’arriverai avant que… *Rassuré d’entrevoir le Spiria de Saya au loin, il s’empressa de se diriger vers le laboratoire. Après deux interminables minutes, il arriva devant les portes du bâtiment et se hâta d’y entrer, bousculant les gardes tout en s’excusant de l’urgence de la situation, et fila directement dans la salle principale de Saya*

Saya : ??? Keishi ??

Keishi : S’il te plait c’est urgent ! Je n’arrive plus à trouver son pouls !!

Saya : Qu… Pose là sur la table ! *elle enleva toutes les fioles qu’elle avait posé dessus avec plus ou moins de délicatesse, et lorsqu’il posa Rikô elle s’empressa de constater qu’en effet son pouls était pratiquement stoppé* Que s’est-il passé ? *elle attrapa une fiole en enlevant son bouchon avec les dents*

Keishi : On s’entraînait au combat, puis d’une manière inexplicable lorsque son Spiria s’est éveillé le mien a dégénéré, et elle se l’est pris de plein fouet… *il fut stoppé net par la vision de Saya en train de mettre dans sa bouche le contenu de sa fiole et de le faire boire à Rikô par le biais d’un baiser*

Saya : Ton Spiria a dégénéré tu dis ? Hmmm… Il faut dire que l’élément de la foudre n’est pas le plus simple à contrôler, c’est même le plus difficile avec le feu. C’est donc probable d’en perdre le contrôle selon tes émotions. Enfin ce qui est étonnant c’est venant de toi …

Keishi : Tu sous entends quoi… ?

Saya : Ou bien il y a une autre raison probable … La complémentarité des éléments.

Kitshi : La complémentarité des éléments ? Jamais entendu parler.

Saya : *elle continua de soigner Rikô pendant ses explications. Ses mains longèrent sa gorge comme si elle guidait le médicament à l’aide de ses gestes, qu’elle dirigea vers le cœur de Rikô* Et bien ce n’est pas un phénomène courant, c’est même très rare. Chez les Hommes on appelle ça des âmes sœurs, pour leurs Spiria on appelle ça des complémentaires ! ♥

Keishi : ….Tu te moques de moi hein ?

Saya : Hahaha c’est pour imager la chose !! (et pour voir la tête que tu allais tirer j’avoue…) D’une part ça veut dire que vos deux Spiria sont des éléments complémentaires, dans ton cas ça doit être soit l’eau soit le vent, et d’autre part, les deux détenteurs doivent tout de même posséder une certaine “qualité” de Spiria pour que ça se manifeste autant.

Keishi : J’ai du mal à le croire. Elle vient à peine de découvrir son Spiria…

Saya : Tu n’es peut-être pas le seul génie ici, il faut te rendre à l’évidence ! …*elle semblait avoir réussi à se positionner au niveau du cœur, et d’un geste brusque, appuya violemment sur la poitrine de Rikô, tellement soudainement que Keishi en eut un sursaut* Ta foudre a directement touché son système nerveux… J’ai réussi à conduire la potion jusqu’à son cœur en la transférant dans son sang, mais pour qu’elle fasse effet il faut qu’il puisse se répandre dans tout son corps, et atteindre la moelle épinière et le cerveau. Je vais avoir du mal à la réanimer seule…

Keishi : Qu’est-ce que je dois faire ?

Saya : Oh rien de plus simple ! Il faut juste que tu lui envoie une décharge suffisamment puissante pour réanimer son système nerveux, mais pas trop forte pour ne pas la brûler de l’intérieur… Ne me regarde pas comme ça. On a pas le choix, et le temps nous est compté.

Keishi : Et je suis censé procéder comment ?? Je sais doser mon Spiria pour paralyser une personne, pour la tuer, mais pas pour réanimer quelqu’un ! Et si une nouvelle fois son Spiria fait blocage ?

Saya : Si tu ne fais rien, elle est déjà morte … C’est à toi de voir ! *elle cala ses mains une nouvelle fois sur la poitrine de Rikô en attendant l’action de Keishi*

Keishi : …C’est pas vrai… *il prit une grande inspiration et ferme les yeux pour se concentrer. Rapidement il posa sa main sur celle de Saya, et d’un geste envoya une décharge en plein dans le cœur de Rikô*

Saya : …. Je l’ai !! *elle cala deux doigts contre la poitrine de Rikô et fit plusieurs gestes indéchiffrables. Cette dernière finit par réagir en prenant une grande inspiration, et fut prise de convulsions* Tout va bien, il faut juste que le circuit de son système nerveux se remette en place… tu as réussi !

Keishi : *il soupira légèrement de soulagement, mais sans être totalement satisfait de la situation*

Saya : Maintenant qu’elle respire à nouveau, il ne me reste plus qu’à soigner son bras… C’est vraiment vilain… *elle partit chercher de quoi désinfecter et soigna la plaie qui prend la moitié du bras de Rikô* Ne fait pas cette tête-là, elle est tirée d’affaire !

Keishi : J’ai quand même failli la tuer avec mon Spiria… ce n’est pas la première fois que ça arrive…

Saya : Avant de te suicider, pense à me faire don de ton œil dans ton testament hein, c’est pour la science !

Keishi : … D’accord je ne te dirai plus rien.

Saya : Rooh je te taquine ! … Les accidents liés au Spiria sont loin d’être rarissimes. Ça arrive à tout le monde, même à un génie comme toi. Ce serait injuste sinon ! Et c’est pour ça qu’il y a des gens comme moi pour soigner ce genre de cas !

Keishi : Il n’empêche que… *il fut interrompu par Rikô qui commença à ouvrir les yeux alors que Saya était en train de soigner son bras, et se tordit de douleur*

Saya : Aaaah ! Ne bouge pas !! Si tu veux que ça disparaisse rapidement, laisse-moi faire !!

Rikô : Aïe … *elle fixa Keishi qui la regarde d’un air inquiet* C’est quoi cette tête… Je vais bien !

Keishi : Imbécile… t’as failli y rester…

Rikô : Quand est-ce qu’on reprend ??

Keishi : !!! *le visage souriant et déterminé de Rikô lui figea le regard* Il n’y aura plus d’entraînements.

Rikô : Hein ?

Keishi : Je viendrai te récupérer quand tu iras mieux ! *il sortit de la salle*

Saya : Quel manque de tact …

Rikô : …

    Je semblais l’avoir affecté d’une manière ou d’une autre. Ça me faisait horriblement mal, et cette douleur n’était pas liée à ma blessure. J’avais voulu faire ma maligne en brûlant les étapes, et mon impatience avait causé cet accident. Si je l‘avais écouté et m’étais contenté de m’entraîner à main nue, on n’en serait pas arrivés là. Jamais il ne me pardonnera…

    A présent, un fossé immense se dressait entre nous deux, et j’avais cette impression que même en hurlant, ma voix ne lui parviendrait plus.

Saya : Ne t’en fais pas …

Rikô : ???

Saya : Il s’en remettra, si tu lui montre que tu vas bien. S’il réagit aussi excessivement c’est que, plus jeune, il a déjà blessé le petit Tako, et ce dernier en est ressorti plus ou moins dans le même état que toi. D’ailleurs il me semble que ce n’était déjà pas la première fois que ce genre d’accident arrive…

Rikô : C’est quand même de ma faute… si je l’avais écouté…

Saya : Keishi ne parle pas beaucoup et ne laisse pas souvent transparaître ses émotions. Si tu réussi à le toucher autant je ne doute pas qu’il te pardonnera ! *elle sourit*

Rikô : Tu sembles bien le connaître…

Saya : Hein ? *elle secoua sa main de manière négative* Oh ! ne t’en fais pas ! Je ne suis intéressé que par son œil droit !! *Rikô la regarda d’un air blasé* Keishi ne vient pas de ce pays, il est venu à Kodinji à l’âge de 18 ans pour entrer dans l’armée. Il était toujours seul et avait du mal à s‘intégrer. Mais c’est là qu’il nous a rencontrés, Sohji, Yoki et moi. On a souvent été amenés à faire des missions ensemble et il s’est ouvert à nous petit à petit. Il y a encore beaucoup de mystères à son sujet, mais moi je me contente juste de l’affinité de son Spiria !!

 

Rikô : Je vois … (J’en demandais pas autant mais c’est bon de l’apprendre)

Saya : Et voilà ! Je vais te mettre un bandage pour tenir tout ça, mais tu verras, au bout de deux ou trois jours tu n’auras pu rien de visible. Par contre, pas de mouvements brusques pendant au moins un décan ! Parce que même si ta blessure paraît soignée, tu as encore de belles séquelles internes. Donc, au moins, le problème de l'entraînement est réglé…

Rikô : …

Saya : Reste là, je vais le tenir au courant ! Il viendra te chercher *elle sortit de la salle en laissant Rikô seule*

    Après quelques minutes, Keishi vint me chercher comme prévu. Il semblait avoir repris son tempérament habituel. En apparence. Je sentais qu’au fond de lui ça bouillonnait. Mais je ne pouvais rien faire. J’avais l’impression que je risquais d’empirer la chose si j’ouvrais la bouche. C’est donc tous deux silencieux que nous arrivâmes chez lui. Bon, en espérant que je ne serais plus un boulet pour tout le monde…

Chapitre 6

Chapitre final

29e Reila - Cycle 962

    Cinq jours s’était écoulés depuis l’incident. Cinq jours interminables. Depuis cet incident, Keishi ne m’adressait pratiquement plus la parole. Déjà qu’il n’était pas très bavard à la base, ces derniers temps il y avait un véritable malaise entre nous. Je n’osais plus rien dire, et lui ne faisait pas un seul pas vers moi…

    Je pensais qu’aujourd’hui les choses allaient s’arranger, mais c’était mal parti, bien au contraire. Keishi avait apparemment prévu de sortir, en me demandant de rester bien sagement à l’appartement, pour que je me repose et soigne correctement mes blessures. Oh quel homme attentionné ! Sauf que s’il voulait sortir, ce n’était pas pour aller faire des courses, mais pour retrouver quelqu’un… Quelqu’un que je ne connaissais pas. Qui pouvait bien être cette personne ? Pourquoi vouloir la voir maintenant ? Et si c’était …. Noon impossible ! Il n’aurait quand même pas un rendez-vous galant ? Pas lui ?? Bon après tout un homme comme lui en attirait plus d’une, il suffisait de sortir en ville à côté de lui pour le constater. Mais qu’il fasse un pas vers quelqu’un… C’était improbable !

Keishi : Je dois y aller !! Surtout ne bouge pas d’ici et repose-toi… Ne sors sous aucun prétexte ! *il referma la porte*

Rikô : …. “Sous aucun prétexte, hein ? …”

 

    Je pris soin d’observer par la fenêtre quel chemin il avait emprunté, puis je parti à sa poursuite.

Parce qu’il croyait vraiment pouvoir s’en sortir comme ça ? On me la fait pas à moi ! J’avais besoin de savoir QUI il allait voir ! Pour me rassurer…ou pas…

Keishi se dirigeait vers le grand parc principal du centre-ville. Pas très discret comme endroit. A moins qu’il avait choisi cette destination justement pour ne pas éveiller les soupçons ? De ce point de vu c’était bien pensé…

    Il s’écoula cinq, dix, quinze minutes. Keishi était assis sur un banc mais commençait visiblement à s’impatienter. Moi j’attendais là, derrière un buisson un peu plus loin. Impossible d’entendre ce qu’il pouvait se dire de là où j’étais, mais au moins je pouvais l’observer…

Keishi : Bon qu'est-ce qu'elle fabrique ? Elle m'avait pourtant dit que c'était urgent...

    Tout à coup, j’entendis quelqu’un courir dans sa direction, et quelle fut ma surprise de voir arriver… une fille ! Et une fille plutôt jolie qui plus est, bah tiens, ça aurait été trop beau... Elle devait avoir mon âge, à peine plus petite que moi. De longs cheveux rouge feu ornaient son fin visage. Ses yeux vert émeraude fixaient Keishi, d’un regard très sûr d’elle. On aurait dit qu’elle avait quelque chose d’important à lui dire…

​Jeune fille : *elle arriva vaguement essoufflée* Ah....Tu es encore là... ! J'étais aux archives et ça a pris plus de temps que prévu...

Keishi : Ah Eily… Évidemment que je suis encore là, même si je t'avoue que j'aimerai rentrer le plus tôt possible... Je suis quand même curieux de savoir ce qu'il y a d'aussi urgent pour que tu fasses appel à quelqu'un ?

Eily : *elle s'assit en se laissant tomber sur le banc à côté de Keishi* J'ai besoin d'un service, sur les archives justement...c'est assez compliqué… mais ce genre de travail, je ne peux que le demander à toi… *Keishi la regarda avec un air interrogatif, et elle détourna la tête, mal à l’aise* ​

 

    P-pourquoi il la fixe comme ça ? On dirait qu'elle lui a dit quelque chose qui l'a perturbé. C'est… UNE DÉCLARATION ??

 

Eily : En fait… J’aimerai que tu me fasses entrer en douce dans les archives privées de la bibliothèque, juste le temps que je cherche certains documents.

Keishi : ….PARDON ?

Eily : *elle appuya son regard de manière sérieuse* Quand je disais que je ne peux le demander qu’à toi ce n’est pas juste pour faire joli … J’ai fouillé le bâtiment de fond en comble en espérant trouver quelque chose mais en vain… Et puisque je n’ai pas le droit d’accéder aux archives de l’armée malgré mon statut de Grymm et que je suis toujours sous surveillance...ça ne me plaît pas vraiment, mais je ne vois pas d’autres solutions que de passer par l’illégalité.

Keishi : Tu ne crois pas que tu as assez de soucis avec la Régente pour en rajouter ? Je t’ai déjà sauvé la mise une fois et j’aimerai si possible ne pas être impliqué dans tes nouvelles magouilles. Tu veux te retrouver une nouvelle fois en prison ? Et n’oublie pas que je suis aussi dans son viseur.

Eily : *elle soutint son regard pendant un assez long instant puis finit par pousser un long soupir* Si tu ne veux pas tant pis … *elle fit mine se relever mais Keishi la retint par le bras*

Keishi : Une minute … qu’est-ce que tu cherches exactement ?

 

    Il-il la retient ! Non ! Laisse-la partir ! Sale fourbe !

 

Eily : … Je croyais que tu ne voulais pas être impliqué ?

Keishi : Maintenant que je suis au courant je ne peux pas te laisser te faire enfermer encore une fois… et au lieu de passer par des moyens fourbes je pourrais trouver un moyen légal d’obtenir le droit d’entrée.

Eily : … *elle s’assit de nouveau à côté de lui* En fait, je cherche un ouvrage en particulier. Il est mentionné dans un bon nombre de documents que j’ai pu lire, donc c’est certain qu’il existe. Il est même inscrit dans le registre des archives, mais il est bizarrement indiqué à plusieurs emplacement différents…et évidemment, il ne se trouve dans aucun d’entre eux, et n’est pas enregistré dans le registre des emprunts non plus. J’ai bien dû retourner trois fois le bâtiment sans réussir à mettre la main dessus. Pourtant je SAIS qu’il est ici… Donc par déduction logique…

Keishi : …il se trouve dans les archives privées. Je vois. Et on peut savoir quel est cet ouvrage ?

Eily : … «  Objets magiques et spirituels : Mythes ou réalité ? »

Keishi : Mais qu’est ce que tu veux faire avec un livre pareil ??

Eily : Hum c’est assez complexe… J’ai entendu quelque chose de plutôt intéressant récemment à l’armurerie. Visiblement une certaine fille aurait été capable de manier un sabre vieux depuis plusieurs siècles que personne n’arrivait à dégainer. Intriguant n’est-ce pas ?

Keishi : *gloups* Intriguant en effet … Et quel est le rapport avec ce que tu cherches ?

Eily : L’histoire de ce sabre m’a fait réagir... Il semblerait qu’il soit relié à un certain clan, auquel je m’intéresse déjà depuis un moment. Tu savais qu’il existait un mythe selon lequel ses membres étaient capables de voyager à travers les mondes ? C’est plutôt invraisemblable, mais j’aimerais bien connaître les fondements de cette légende… C’est assez dur de trouver des documents sur ce sujet, et il a été fait plusieurs fois mention de ce sabre et du livre que je cherche. Je pense que ça pourrait être un élément clé du puzzle…

Keishi : Je ne savais pas que c’était un sujet qui te passionnait. C’est rare de te voir t’intéresser à quelque chose … C’en est presque effrayant...

Eily : Ça me paraît plutôt anecdotique quand on sait que tu vis depuis plusieurs décans avec une jolie fille...Est ce que les rumeurs de Sohji seraient vraies, et que l’imperturbable Keishi se serait enfin mis en couple ?

Keishi : … *il bloqua pendant plusieurs secondes, avant de plaquer sa main devant le visage* Sohji…. Je vais le tuer …

 

    J’en étais sûre ! Elle s’est déclarée à lui ! Qu’est-ce qu’ils se disent ? Raah il faut que j’arrive à me rapprocher...

 

Keishi : Pour l’anecdote, cette “fille” qui squatte chez moi n’est pas là par hasard. C’est une amnésique que la Régente m’a chargé de surveiller le temps de son rétablissement. Je ne sais pas ce que Sohji a raconté à tout le monde pendant mon absence, mais je suis certain qu’il a pris soin d’enlever les détails les plus importants … *il releva la tête et reporta son regard vers Eily, le visage marqué par la gêne du sujet* Et puis, je peux savoir le rapport avec notre discussion ?

Eily : *elle haussa les épaules* A toi de me le dire...C’est bien toi qui était avec elle lorsqu’elle a trouvé ce fameux sabre non ? *l’expression de Keishi répondit pour lui* …J’en étais sûre.

Keishi : …Bon. Puisque tu es au courant pour Rikô, ça va me faciliter la tâche...

Eily : Hmm ?

Keishi : D'accord. Je veux bien te rendre ce service, mais uniquement si tu acceptes ma requête… C’est bien toi qui as dit t’intéresser au sabre non ? Je te demande alors de continuer l’entraînement de Rikô à ma place...

Eily : *elle le fixa pendant un bon moment*...Hein ?? Tu n'es pas... bien sûr que si, tu es sérieux… Est ce qu'on peut au moins savoir pourquoi tu ne t'en occupes pas... ?

Keishi : ... *il se tint machinalement le poignet droit* En fait…Pour faire simple Rikô a insisté pour que je sois un peu plus sérieux dans mon entraînement. Et ça a dérapé au point que je l’ai gravement blessée... mon Spiria de foudre est bien trop dangereux pour elle...

 

    Je n’entends vraiment rien… je dois continuer de m’approcher … en toute discrétion …

 

Eily : Et tu penses que ce serait moins dangereux avec moi ? Je te rappelle que mon passif n’est pas des plus glorieux….

Keishi : Je n'ai pas dit que je voulais en faire une Gatai ou autre arme de guerre. Je ne sais pas ce que lui veux la Régente mais j'aimerai au moins qu'elle puisse se défendre seule... elle est peut-être têtue et surexcitée mais elle a un vrai potentiel. Je le vois dans sa manière de combattre qu'elle apprend vite et qu'elle aime ça. J'aurai bien continué à l'entraîner moi-même mais je ne maîtrise pas encore mon pouvoir à cent pour c......... Quoi ?

Eily : *elle avait clairement un petit sourire en coin en écoutant parler Keishi* Intéressant.... Dis-moi, ça fait combien de temps qu'elle vit chez toi déjà ? *Keishi la regarda sans comprendre, mais elle n’attendait pas vraiment de réponse* Bon très bien ! Un service contre un autre !

Keishi : ...Tu acceptes ?

Eily : Si tu assume que je ne saurais être tenue pour responsable en cas d'éventuels dégâts collatéraux... Oui. Mais tu as intérêt à me ramener le document que je t’ai demandé.

Keishi : ... *il tendit sa main pour clôturer leur accord, mais avant qu'Eily eut le temps de faire de même, un violent cri vint les interrompre*

Rikô : AAAAAAH !!! NOOON JE REFUSE !!!

Keishi : ??!! Rikô ???

Eily : *Rikô vint se planter devant eux avec des feuilles dans les cheveux et de la terre un peu partout, du coup Eily prit bien le temps de la détailler de haut en bas*...Rikô je présume ?

Keishi : *son visage se crispa et il se retint de ne pas hurler en public* Il me semblait t'avoir dit de ne pas sortir de l'appartement...

Rikô : Non tu n'as pas le droit !! “Tu ne vas quand même pas sortir avec cette snobe aux cheveux rouges ?? Ça se sent à 20 kilomètres que ce n'est pas une fille pour toi !! D'ailleurs elle est pas si belle que ça de près en fait !” *lança un regard noir vers Eily, dont le visage se décomposait instantanément*

Eily : C-cette langue...

Rikô : Hmm ? *elle s'approcha tout près d'Eily en lui lançant le pire regard qu'elle puisse lancer à quelqu'un* "Je vois bien ton petit jeu petite allumeuse. Mais tu ne l'auras pas, parce que je serai là pour le défendre !"

Eily : ...*elle se leva subitement et attrapa Keishi par les épaules* Cette fille, d'où est ce qu'elle vient ?? Et n'essaie pas de me répondre "d'un pays lointain" ça ne prendra pas ! *Rikô continua d’hurler en arrière-plan… jusqu'à ce que Eily se retourna vers elle* "Oh toi ferme-là deux minutes !"

Keishi : *son visage se décomposa sur place au moins autant que celui de Rikô* Qu-qu'est ce qui te prend ? Et... à l'instant, quelle langue as-tu parlé ? On dirait la même que...

Rikô : "Toi, comment tu fais pour parler la même langue que moi ? Hey ! Je te parle ! Dis le si je te gêne surtout !! Je tombe mal hein ? Tu voulais être seule avec lui n’est-ce pas ?"

Keishi : ... Tu comprends ce qu'elle dit ?

Eily : Malheureusement... "Est ce que tu comptes calmer tes délires paranoïaques de groupie hystérique à un moment donné ??"

Rikô : "De quoi tu te mêles sale snobe ??"

Eily : "Je pourrais te retourner la question, depuis quand est ce qu'on considère normal de débouler comme une furie dans une conversation privée ? Tu penses peut-être que parce que tu vis chez une personne tu as la main-mise sur toute sa vie ?"

Rikô : *son visage vira au cramoisie* "Tu-tu ne sais rien de moi !!" *elle était sur le point de dégainer son sabre mais sa douleur encore vive au bras la freina dans son élan* !!!!! Aie...

 

 

 

--- En entendant la phrase de Rikô, l’expression d’Eily était devenue terrifiante. Mais son aura s’était adoucie lorsque Rikô avait gémi, et elle se contenta de pousser un énorme soupir tout en s’avançant vers elle et de lui faire une vilaine pichenette sur le bras, ce qui fait lâcher à Rikô le fourreau qu’elle tenait encore à la main. Relâchant le regard haineux qu’elle portait à Rikô, Eily se retourna vers Keishi ---

 

Eily : Laisse-moi deviner... Tu l'as emmenée chez Saya, elle l'a soignée en lui conseillant d'éviter les gestes brusques, et qu'est-ce que fait cette folle ? Elle rampe sous les buissons… "Franchement si tu te contrôlais de toi même avant de vouloir contrôler les autres ?"

Keishi : Franchement... qu'est-ce que tu as derrière la tête ?? Ta blessure n'est peut-être plus visible grâce à Saya mais tu as quand même été brûlé au deuxième degré. Tu as encore des séquelles internes, pourquoi est-ce que tu crois que je t'ai demandé de rester te reposer chez moi ??

 

--- Rikô se rendit compte qu’encore une fois elle s'était fait tout un film et qu'elle avait tout foutu en l'air. De plus, entendre Keishi hausser la voix était particulièrement désagréable pour elle… A tel point que sur le coup elle ne trouva rien de mieux à faire que de partir en courant. ---

 

Keishi : !!! Attend ! Qu'est-ce que...

Eily : *avec Keishi ils se regardèrent avec un air ahuri pendant un long moment, c'était à peine s'ils avaient compris ce qui venait de se passer*...Et sinon, c'est toujours comme ça ? Non parce que ça va être marrant de l'entraîner...

Keishi : Je savais qu'elle ne tenait pas en place, mais qu'elle en arrive à ce stade... Bon après je n'ai rien à dire, c'est moi qui l'ait blessé...

Eily : *après quelques instants de réflexion, elle eut une illumination soudaine* Et plutôt deux fois qu'une je dirais... *Keishi la regarda sans comprendre* Si je dis qu'après l'avoir blessée, tu as pris directement tes distances avec elle, j'ai faux... ? Aaaah... "pas étonnant qu'elle finisse parano ! ".

Keishi : Tu peux arrêter de parler cette langue étrange ?! D’ailleurs, comment se fait-il que tu la connaisses ?

Eily : N’esquive pas le sujet, avoue que j’ai raison !
Keishi : (C’est plutôt toi qui esquive là…) Je n’ai pas pris mes distances avec elle... Enfin je ne pense pas... Et puis, même si c'était le cas, ça n’explique pas sa réaction agressive !

Eily : ...Et tu espères arranger les choses en restant planté la ?

Keishi : ... *il resta stoïque pendant un moment, il ne savait plus s'il devait s'énerver, ressasser le passé, etc... puis finalement il se frotta la tête (ce qu’il faisait lorsqu’il ne contrôlait pas la situation)* Ça va j'ai compris !! Quand tout sera résolu j'irai aux archives prendre les documents que tu m'as demandé. Et puis tu me dois des explications sur la langue de Rikô ! En retour je veux que tu prennes en charge son entraînement à partir de demain !

Eily : Demain, demain... vu l'état de sa blessure, si j'essaie de la faire combattre demain, je ne donne pas cher de son bras… Mais d'ici le prochain décan, elle sera sûrement en état. Par contre, je ne garantis rien pour quand elle reviendra de l'entraînement !

Keishi : ...Très bien, ça me va. Heureusement que son Spiria est particulier, je la retrouverai facilement... *soupira* Pourquoi ça n'arrive qu'à moi ce genre de choses ?

Eily : *elle n’arrivait pas à retenir un petit rire un peu amer* Si tu pouvais t'imaginer toutes les choses qui peuvent arriver aux autres… Ce qui me fait penser... (ça fait longtemps que je suis partie, j'espère “qu'il” n'aura rien fait de stupide…)

Keishi : *il la regarda d'un air interrogatif... mais finit par laisser tomber* Je vais devoir y aller. Qui sait ce qui peut lui arriver avec son bras dans cet état...

Eily : *elle acquiesça sans rien ajouter de plus, avant de lui faire un petit signe de main et de repartir de son côté*

Keishi : Bon, maintenant il faut la retrouver … *il se concentra en regardant autours de lui, et finit par détecter le Spiria de Rikô* … Le lac Melvin ? Pourquoi ? …

 

    Bon sang, mais qu’est-ce qui m’arrive ? Ça ne me ressemble pas… Peut-être que j’aurai dû faire ainsi, ou bien répondre comme ça ? En fait, peu importe ma réaction, j’aurais pas pu faire pire… Gâcher une conversation importante de manière « hystérique » et en repartir les larmes aux yeux ? Pitoyable… La situation était déjà devenue compliquée, j’avais réussi à empirer la chose. Depuis quand suis-je devenue si instable émotionnellement ? A présent, je serai incapable de le regarder droit dans les yeux… Je vais rester là, et ne plus bouger…

Keishi : *après avoir marché une dizaine de minutes en traînant le pas, il arriva finalement à destination. Il s’avança en direction de Rikô qui s’était cachée, recroquevillée au pied d’un arbre juste en face du lac. D’ailleurs elle était tellement dans la lune qu’elle n’avait toujours pas remarqué sa présence, et il se contenta de soupirer exagérément* Bon, on peut savoir ce qu’il t’arrive ??

Rikô : !!! *elle releva machinalement la tête vers Keishi, les yeux encore humides et les joues écarlates de surprise. Confus de la voir à nouveau pleurer, il eut un léger mouvement de recul, et elle se cacha aussitôt le visage entre ses jambes, honteuse* R-rien du tout !! Laisse-moi tranquille !!

Keishi : … Rien du tout hein ? … *il s’assit juste à côté d’elle*

Rikô : !!! Qu’est-ce que tu fais ?

Keishi : J’attends que tu veuilles bien me parler …

Rikô : Je n’ai rien à dire !!

Keishi : Pourquoi tu ne m’as pas écoutée tout à l’heure ?

Rikô : …

Keishi : … Eily m’a dit que c’est probablement parce que j‘ai été plus distant avec toi… C’est vrai ?

Rikô : *elle se mit à rougir, et esquiva la question par une autre* Eily hein ? C’est donc ça son nom … Tu t’entends bien avec elle, n’est-ce pas ?

Keishi : Hein ?

Rikô : (Raaah je recommence !)

Keishi : … Eily est une Grymm très réputée. Et ça fait parfois du bien de parler avec quelqu’un qui a les pieds sur terre, contrairement aux trois-quarts des personnes hystériques de ce pays. Donc on peut dire que oui, je m’entends bien avec elle…

Rikô : … Je vois…

Keishi : … Excuse-moi…

Rikô : !!! *elle se tourna vers lui d’un air ahuri. Du peu qu’elle le connaissait, elle se rendait compte de l’effort qu’il avait dû faire pour sortir ces mots* P-pourquoi tu t’excuses ?? C’est plutôt à moi de…

Keishi : Je ne suis pas très doué avec les gens… On me l’a toujours dit et répété, de ma naissance à aujourd’hui. Je ne comprends pas comment, mais je suis conscient que je t’ai fait mal d’une manière ou d’une autre. Ce n’était pas mon intention…

Rikô : C-c’est rien voyons !! C’est ma faute si ton Spiria m’a touché ! “Je ne sais pas par quel miracle je suis encore en vie d’ailleurs…”, mais je te promets que la prochaine fois je…

Keishi : Je ne faisais pas allusions à ça… *elle le regarda d’un air interrogatif* Je ne parle pas de ta douleur physique… *il désigna du doigt ses yeux encore humides* Je doute que ce soit la douleur de ton bras qui te fait réagir aussi excessivement…

Rikô : !!! *elle s’essuya brutalement les yeux* Ah ça ! Ne t’en fais pas… Je ne sais même pas moi-même pourquoi…

Keishi : ???

Rikô : Comprendre les autres c’est une chose, mais il y a parfois des gens qui ne se comprennent pas eux même… Je ne sais pas pourquoi je l’ai fait, mais je sais que je n’aurais jamais dû réagir de cette manière tout à l’heure. J’ai été honteuse…

Keishi : Eily aussi a réagi beaucoup trop excessivement à mon goût. Je ne sais pas ce que tu lui as dit dans ta langue bizarre, mais ça l’a vraiment énervée.

Rikô : ”Je suis au moins satisfaite de ça !”

Keishi : (Encore ce regard haineux ?) Au fait… pourquoi t’être réfugiée ici ?

Rikô : … Je suis revenue machinalement ici, parce que c’est de là que tout a commencé.

Keishi : C’est ici que les gardes t’ont retrouvé ?

Rikô : Pas tout à fait. Il me semble que c'était un peu plus loin… Mon souvenir le plus lointain… C’est loin d’être l’un des plus agréables ! Mais au final ça m’a permis de te rencontrer et de vivre tout ça… *elle cacha à nouveau son visage écarlate, en sentant le regard de Keishi appuyé vers elle*

Keishi : ...Rien ne t’empêche de rester encore un peu… *il détourna le regard quand Rikô se tournait vers lui* T-ton arrivée ici est un véritable mystère pour tout le monde. La découverte de ton sabre va peut-être me permettre d’en apprendre un peu plus. Ça ne veut pas dire que je te mettrai dehors une fois que j’aurais compris tout ça. Mais en attendant j’aimerais pouvoir t’entraîner un minimum au combat. Si la Régente décide du jour au lendemain de te reprendre, j’aimerais que tu puisses te défendre…

Rikô : Je vois … Oui, c’est pas comme si tu avais le choix…

Keishi : Hmm ?

Rikô : *elle se releva beaucoup plus enjouée, en tenant quand même son bras qui visiblement était encore pas mal douloureux* Je… je te promets de ne plus être un boulet pour toi. Je ferai tout ce que tu me dis !

Keishi : Ça je n’en suis pas si sûr …

Rikô : On parie ?

Keishi : … Est-ce que tu arriverais ne serait-ce que’à faire le lit CHAQUE MATIN ??

Rikô : M-mais !! Ça sert à rien je me recouche dedans juste après !!

Keishi : C’est pas une raison !!

Rikô : Boon, très bien, j’ai compris …

Keishi : Khh ! *il se releva avec un léger sourire en coin et commença à partir*

Rikô : (il-il a encore rit ?!)

Keishi : Bon, tu comptes rester dormir là ? J’aurais bien autre chose à te demander, mais je pense qu’on va attendre de se poser avant. Sinon je sens que tu vas partir en courant…

Rikô : ???

Keishi : (Bon, comment je suis censé lui expliquer que ce sera Eily qui prendra en charge son entraînement à présent... ?)

 

    Après avoir râlé tout le long du chemin, comme un vieux couple, nous arrivâmes de nouveau chez "nous". En reprenant nos vieilles habitudes. Ça l’avait probablement libéré d’un poids de s’être ouvert à moi, et de même pour moi.

En y repensant, j’avais du mal à me dire qu’il y a encore quelques temps, j’étais dans un “autre monde”, avec une vie totalement différente. Plus le temps passait et moins j’avais l’impression de rêver. Et si tout ça était bel et bien une réalité ? Et si finalement mon vrai chez moi était ici ? Avec eux ? Un jour, je trouverai les réponses à toutes ces questions. Mais avant, il semblerait qu’il y ait pas mal de choses à régler…

 

    Ma vie ici ne faisait que commencer...

Chapitre final
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